Pictures of Cure

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Les interviews de TIB

three imaginary boys…
well there are five of us at the moment (NDLR : 4 maintenant…), but t.i.b has been around for a long time…
it’s the name of the french fanzine run by jean and marie…
and the only bad thing about t.i.b is that it’s only available in french!
Over the years Jean and Marie have become part of the cure entourage and have travelled around the world reporting on our exploits…

Vous l’aurez compris, TIB était plus qu’un fanzine et ses rédacteurs plus que des fans dévoués et admiratifs. Au cours des années, Jean et Marie ont suivi les Cure à travers tournées, enregistrements, etc. Devenus des témoins privilégiés de la vie des Cure, ils ont pu les interviewer à plusieurs reprises et dans des conditions plus proches d’une conversation entre amis que d’une entrevue journalistique. Robert Smith, parfois accompagné de Simon Gallup, se livre (quasiment) sans retenue, et surtout ne joue pas au jeu du « je mens comme un arracheur de dents » qu’il affectionne d’habitude tant avec les journalistes… Il ressort de ces interviews quelques précieuses informations, qui nous éclairent davantage sur la vie, le travail et les sentiments d’un Robert Smith que l’on juge parfois (à tort ?) comme étant dictatorial, caractériel et lunatique.

Voici regroupées ici une sélection de ces entrevues privilégiées qui jadis étaient disponibles sur le site officiel du groupe.


THE HOLY HOUR (1989)
QUESTION D'IMAGES... (1991)
DANS LES MEANDRES DU WISH TOUR (1992)
AU RYTHME DU SWING TOUR (1996)

Voici le texte qui introduisait ces interviews :

"Les interviews de Tib sont des moments privilégiés tentant d’approfondir ce qu’on peut lire dans la presse. Souvent anachroniques, réalisées lorsque le groupe n’en donne pas, ces interviews essaient de présenter une vision différente de The Cure. Les coulisses de Bercy en 89 ont inauguré cette série de rendez-vous. De cette rencontre fébrile dans l’atmosphère prenante du Prayer Tour, une attirance irrépressible pour cet exercice nous a conduit à renouveler l’expérience, d’abord dans le studio d’enregistrement des démos de Wish , puis lors des tournées qui suivirent. Vous lirez dans cette chronique, des extraits des propos les plus marquants glanés au fil des ans".


THE HOLY HOUR (1989)

 Dans l'atmosphère angoissante du Prayer Tour, Bercy offre un îlot de recueillement inattendu. Les premières notes de "The Holy Hour" en soundcheck annoncent la couleur d'une soirée inoubliable.  La vision est plus que magique. Robert et Simon, complices et détendus offrent à TIB son premier entretien. Souvenirs...

La chanson "Disintegration" est très proche de "100 Years" en ce qui concerne les paroles et la manière de chanter. Vois-tu vraiment la vie comme elle est décrite dans la chanson ou est-ce une manière d'exprimer un refus des responsabilités ? De quoi parles-tu exactement dans la chanson ?
Robert Smith : Je pense que musicalement c'est similaire mais pas du tout au point de vue des paroles, parce que "100 Years" est à propos d'un abandon et exprime simplement ce qu'il y a dans la première ligne "Cela n'a pas d'importance si nous mourrons tous". C'est une sorte de désespoir alors que "Disintegration" parle de l'éloignement de quelqu'un, c'est une chanson, dans un certain sens plus chargée d'espoir que "100 Years" parce que "100 Years" parle du ras le bol envers tout alors que "Disintegration" parle seulement des horreurs d'une relation. Ce sont donc des choses différentes mais je suppose que musicalement, il y a la même insistance dans la batterie et dans la basse.

Est-ce qu'elles sont si similaires ? (à Simon)

Simon Gallup : Je crois, oui, je veux dire qu'elles le sont dans le fond.

Robert : Evidemment, le son est plus proche de "100 Years" que de "Lovecats". Je pense qu'il y a un certain style et je veux dire que "Lovesong" sonne comme "Catch" et qu'il y a certaines similitudes entre beaucoup de chansons, mais je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Lorsque nous avons écrit Disintegration, en avril dernier alors que je venais juste d'avoir vingt-neuf ans, j'ai réalisé qu'à mon prochain anniversaire, j'aurai trente ans et c'est à propos de ce que je ressentais mais je ne suis pas tout le temps comme cela. C'est le problème quand tu écris des chansons ; lorsque tu es un peu dépressif, les gens pensent que tu es tout le temps comme cela mais j'écris souvent lorsque je suis déprimé.

Maintenant que tu as trente ans, te sens-tu vieux ?
Robert : Aujourd'hui oui. J'ai cent trente ans.

Comment te vois-tu dans dix ans ? Es-tu toujours aussi effrayé par la vieillesse ?
Robert : Je ne sais pas. Je pense que plus je vieillis, plus je me résigne au fait de vieillir. C'est une sorte de paradoxe : plus tu es jeune, plus vieillir t'inquiète et dans mon cas, cela est vrai. Je ne sais pas ce que je ferai dans dix ans. Je pense qu'un jour je me réveillerai et je serai complètement différent. Je me regarderai dans un miroir et j'en rirai. Je ne sais pas, j'espère seulement être toujours capable de monter des escaliers dans dix ans et j'espère aussi pouvoir autant apprécier les choses dans dix ans que maintenant. La seule chose qui m'inquiète à propos de vieillir est une combinaison, pas la peur de mourir mais plutôt l'incapacité de profiter de la vie lorsque tu vieillis, les choses que tu ne peux plus faire, je veux dire physiquement. Cela me frustre et déjà je ne peux plus faire des choses que je faisais il y a dix ans, je bois trop et je ne fais pas autant d'exercice que je devrais.... Simon voudrait avoir trente cinq ans.

Simon : L'âge parfait !!!!

Robert : Que feras-tu lorsque tu auras trente-six ans ?

Simon : Je serai très déprimé.

Tu ne fais pas d'exercice lorsque tu es sur scène ?

Robert : Si, mais je le fais à travers des bouteilles de vin.

Dans "Last Dance", tu parles de l'amour et du sentiment que tu avais étant jeune, en particulier dans la phrase " Even if we drink, I don't think we would kiss the way like we did when the woman was only a girl"
Robert : Hum !!!

Est-ce que tu penses que ton public qui est de plus en plus jeune depuis 1985 pourra comprendre ?
Robert : Non mais lorsque j'ai écrit "Last Dance" j'ai écrit des paroles qui exprimaient un sentiment particulier que je ressentais à propos d'une personne déterminée et je ne me soucie pas de savoir si cela a un sens pour quelqu'un plus jeune que moi. Probablement non, parce que je veux dire, les gens dans les concerts ont seize ou quinze ans et ne sauront pas de quoi je parle. Mais il y a aussi des gens qui viennent à nos concerts qui ont quarante ans, tu sais, nous avons rencontré des gens qui nous suivent depuis 1979. Il y a toujours des gens qui viennent à nos concerts en se souvenant du Seventeen Seconds Tour et ces gens sont plus vieux que nous mais notre public ne devient pas de plus en plus jeune, le public a un âge constant au fur et à mesure que nous vieillissons. Je pense que dans un sens, c'est tellement sous-estimé le public de penser qu'il ne peut pas comprendre parce que quand tu lis un livre à quinze ans à propos de la vieillesse, tu peux comprendre son concept. Je veux dire que tu dois avoir moins de quinze ans pour ne pas avoir une certaine peur de vieillir. Je pense qu'avant quinze ans, tu ne penses même pas que tu peux vieillir alors que quand tu atteins quinze ou seize ans, de par la loi, tu deviens un adulte et tu es capable d'avoir des responsabilités et soudain tu réalises que tu vas vieillir. Je pense que les gens comprennent la plupart des choses que nous chantons, en fait il y a évidemment des chansons qui n'ont aucun sens pour personne parce qu'elles sont trop personnelles.

Mais est-ce que tu penses qu'il y a une incompréhension entre le groupe et son public ?
Robert : Humm, je pense qu'il y a une mauvaise conception de ce que je suis personnellement parce que beaucoup de gens viennent nous voir et ils pensent qu'ils nous connaissent, et ils commencent à nous dire des choses bizarres à propos du groupe. Ils viennent nous voir et pensent savoir ce que je suis ; ils connaissent mon nom mais je ne les ai jamais rencontrés. C'est comme lorsque j'étais à l'école, les gens venaient me voir "Ah, tu es Robert Smith" ; et ils veulent devenir ton ami mais quelqu'un leur a dit ton nom. Ce que je veux dire c'est que je peux aller n'importe où et un quelconque inconnu viendra me dire : "Ah, Robert Smith, je te connais" mais je sais que non. Mais tu ne peux pas échapper à cela lorsque tu atteins un niveau où les gens te connaissent et te décrivent d'une certaine manière. Le malentendu est vraiment là comme lorsque quelquefois nous sortons et nous nous saoulons et que je suis pris d'un éclat de rire. Les gens pensent: "Pourquoi fait-il cela ?". Je pense que la plupart du temps les gens apprécient que nous soyons comme eux. Nous sommes vraiment normaux. Mais nous sommes dans une situation anormale.

Vos chansons deviennent de plus en plus simples. "Lovesong" est le meilleur exemple de la chanson au premier degré. Est-ce qu'il y a une raison ou une explication à cela ?
Robert : Je pense que je me sens plus confiant pour chanter à coeur ouvert les choses que je cachais auparavant et aussi, ce sont les chansons les plus difficiles à écrire, les chansons les plus difficiles à chanter comme "Lovesong" parce que si ce n'est pas fait de la manière que tu sentes que ce n'est pas bien ou que ce n'est pas fait du fond du coeur, cela sonne stupide, cela sonne artificiel; mais je voulais écrire une chanson d'amour et c'est pour cela qu'elle s'appelle "Lovesong". J'ai pensé que plutôt que d'essayer de penser en symboles et autre chose, j'écrirai les chansons comme si je parlais à quelqu'un. Si je chantais des trucs comme (Robert prend un ton niais, style crooner - NDT) "You're so far away...", cela devient automatiquement stupide, les gens penseraient "quelle chanson horrible" mais je pense que la seule manière dont tu peux chanter une telle chanson est simplement que cela vienne du coeur et si tu ne sens pas que tu peux écrire une chanson comme cela, alors tu ne le fais pas. Je pense qu'il y a beaucoup de gens qui écrivent des chansons pop et ce sont des chansons pop de la pire espèce, celles qui comportent le mot "Amour" et cela sonne "Loveeeee". Cela me rend vraiment malade mais c'est pour cela qu'il y a très peu de nos chansons qui sont directes, c'est parce que je me suis senti à l'aise pour l'écrire aussi forte. Je veux dire : une chanson comme "Give Me It" est beaucoup plus directe et à l'opposé, c'est de la haine à l'état pur et "Shiver And Shake" était aussi cette haine pure mais la plupart des chansons se situent quelque part entre les deux.

La pochette de "Disintegration" et quelques chansons comme "Homesick" nous évoquent un album solo. Est-ce le genre de matériel qui pourrait figurer dans un album solo de Robert Smith ?
Robert : Non. Je n'ai pas écrit "Homesick" et je n'ai même pas écrit la musique non plus. C'est une autre mauvaise conception. C'est entièrement de ma faute. Porl et Andy qui ont fait la pochette, m'ont suggéré de me mettre sur la couverture comme une noyade. J'étais d'accord et à l'époque, j'ai dit OK, à ce moment là tout le monde disait que c'était OK pour que je sois sur la pochette mais cela a posé des problèmes autant dans le groupe que dans la presse. Je suis de plus en plus mis en avant actuellement alors que je ne pense pas l'être, je ne le suis plus du tout comme avant. Il y a seulement plus de papiers sur nous et plus de photos de moi. Cela n'aurait pas pu du tout être un album solo.

Sur les douze titres du CD, je pense n'avoir écrit que six chansons musicalement... "Untitled", tu as écrit celle-ci ? (à Simon). C'était Roger ? Je ne l'ai pas écrite, cela n'aurait pas pu être un album solo et si je l'avais fait, cela n'aurait, de toute manière, pas du tout sonné comme The Cure sauf ma voix.

"The Top" aurait pu être un album solo mais il n'est pas vrai de la façon dont nous travaillons en studio. Je veux dire, je peux toujours être dictatorial et j'ai toujours le dernier mot, je suppose, si l'on en arrive à une querelle, mais la manière dont nous travaillons actuellement en studio est vraiment une manière démocratique de travailler. Tout le monde contribue avec son propre instrument avec tous les autres. Si Simon joue de la basse, je lui dirais "essaie de cette manière" et si je joue de la guitare où si je chante Simon va me dire "essaie de cette manière". Il y a cette communication entre nous. Nous sommes plus un groupe que les gens ne l'imaginent et c'est, frustrant pour moi parce que j'ai la décision finale les gens pensent que c'est Robert Smith et les Cure et il y a d'autres fans qui me regardent en tant que ..... Ce n'est pas Robert Smith et les Cure.
 

Et ton album solo sortira-t-il un jour ?
Robert : Probablement, je suppose, mais je ne sais pas quand et cela n'a pas vraiment d'importance. Je l'ai déjà fait de toute manière et j'invite les autres à jouer dessus !!! (rires)
 

Est-ce que tu penses que cela signera la mort de The Cure ?
Robert : C'est probablement pourquoi je ne suis pas très enthousiaste pour le sortir.

Simon : Pourquoi penses-tu que ce sera la mort de The Cure ?
 
 

Parce que je pense que ce sera le dernier.
Simon : Pourquoi ? Si Robert fait un album solo ?

Robert : Je ne sais pas, parce qu'en fait les chansons sont construites de telle manière qu'elles sont faites pour moi seul. Elles sont si primaires et si simples, pas assez riches pour que beaucoup de gens jouent. Il y a de la batterie sur seulement deux chansons sur dix. Aussi ce serait un peu idiot. Cela pourrait être un album de The Cure mais je ne pense pas que cela serait juste. Ainsi, je les ai simplement faites tout seul. C'est comme... "Ariel" est une des chansons qui figurent dessus et nous l'avons faite en tant qu'une chanson de The Cure il y a quelques années; il y a aussi un certain nombre d'autres chansons que nous avons enregistrées en démo pour The Cure à travers les années et elles n'ont pas été utilisées. Je les aime vraiment mais elles ne "fonctionnent" pas en tant que chansons de The Cure. C'est ainsi complètement différent. Je ne pense pas que cela soit vrai. Je veux dire que Boris vient de faire l'album solo de Mc Cullough et il s'y est beaucoup donné. Sortir un peu du groupe, je pense que c'est un peu naïf de croire que tu ne dois rien faire en dehors du groupe. J'admets que cela soit probablement différent pour moi que cela ne l'est pour n'importe qui d'autre. Lorsque j'ai joué avec les Banshees, cela n'a ennuyé personne. Je ne pense pas que cela soit plus important. Je ne pense pas que je sortirai un album solo si le groupe jouait encore parce que cela apparaîtrait comme si j'étais limité d'une quelconque manière par le groupe ce que je ne suis pas du tout. En fait, le groupe a répondu à tout ce que je faisais et c'est pourquoi j'adore être dedans. De toute manière, je vais refaire les chansons comme je l'ai dit afin que Boris joue de la batterie.....
 

Tu as dit que cette tournée serait la dernière. Quelle est la raison de ce choix alors que tu aimes à dire qu'être sur scène est très excitant ?
Robert : C'est toujours excitant, une des meilleures choses au monde mais...

Simon : Comme la bière entre ... (les morceaux - NDT).

Robert : Oui. C'est vraiment mental plus que physique. Tourner vous fait devenir un monstre. Vraiment, même si tu essaies très fort de lutter contre cela. Dans cette tournée, cela fait maintenant onze semaines et je pense qu'on s'en est bien sortis mais cela commence à se désagréger, les gens changent, tout le monde est un peu sur les nerfs, il y a plus de querelles maintenant que lorsque la tournée a débuté, voilà ce que cela te fait à long terme. Sur le plan pratique, que pourrions nous faire de toute façon ? Nous allons aux Etats-Unis en août et nous sommes supposés jouer au Giants Stadium à New York et au Dodger Stadium de Los Angeles et si nous trouvons que c'est bien, nous retournerons aux Etats-Unis dans deux ans et que ferions nous ? Nous ne jouerions seulement que dans de plus petites salles ou dans les mêmes endroits ou dans les mêmes endroits deux fois ou trois fois et il n'y a plus d'excitation dans cette éventualité parce que cela signifie que soit tu es en déclin, soit tu continues à grimper et je ne veux pas que le groupe s'arrête sur le déclin. J'aimerais qu'il s'arrête avant... en ce moment je pense que le concert d'hier (le 8 juillet - NDT) fut certainement un des meilleurs concerts que nous n'ayons jamais faits et nous sommes toujours sur le bon chemin et je détesterais revenir dans dix-huit mois en ne faisant que de la merde. Tu finis par être un idiot à simplement continuer de faire la même chose année après année.


 

Mais est-ce que vous pensez que jouer devant un public est plus intéressant que de faire des disques ?
Robert : Non, pas plus intéressant. C'est plus excitant, mais faire des disques m'apporte beaucoup plus de satisfaction. Qu'en penses-tu ?

Simon : Oui. Sur scène tu obtiens comme une gratification immédiate qui te donne du punch mais faire des disques, cela dure plus longtemps. C'est plus satisfaisant.

Robert, tu sembles te concentrer plus sur le chant que sur ton jeu de guitare. Est-ce que tu te sens plus un chanteur qu'un guitariste aujourd'hui ?
Robert : Est-ce que je me sens moins guitariste que chanteur ? Je pense que c'est une combinaison de choses qui m'a conduit à jouer moins de guitare. La première est que je me suis senti plus attiré de tout temps par le micro que par la guitare mais sur les nouvelles chansons j'ai beaucoup joué de la basse à six cordes et je préfère en jouer plutôt que de la guitare. Je n'ai jamais vraiment aimé jouer de la guitare autant que ça (étonnement de Simon - NDT) mais ce soir je devrais plutôt jouer de la guitare car ma gorge me tue!!! J'ai essayé d'améliorer mon chant durant ces cinq dernières années et je ne me suis pas soucié de m'exercer à la guitare une seule fois en cinq ans. Ainsi, je dois me considérer comme un chanteur.

J'aurais pu être un chanteur !!! (rires)... si je m'étais entraîné.


Les fans attendent toujours cette chanson "Ariel" que vous avez jouée dans le Kid Jensen Show en 1982. Qu'en est-il exactement ? Allez-vous la sortir ?
Robert : Non, c'est une des chansons que j'ai faite pour l'album solo. Cela ne sortira pas, c'est voué aux oubliettes. On ne l'a jamais faite parce que pour moi, elle n'a jamais sonné juste, elle n'est adaptée à aucun album. Cela n'a jamais marché parce qu'à l'origine, elle a été conçue avec trois autres chansons appelées "The Four Of Us" et elle en faisait partie. Malheureusement, il y a aujourd'hui un groupe appelé The Four Of Us, les salauds !!! "Lament" était une de ces chansons que l'on a faite aussi en simple et l'autre s'appelait ... oh mon Dieu, l'autre s'appelait "Despair", oui, la chanson la plus dépressive que je n'ai jamais écrite. C'était comme une chanson de Nick Drake.
 

En 1985, sur la version maxi de "Close To Me", vous avez ajouté "New Day", une chanson de 1984. Avez-vous beaucoup de matériel en réserve qui dort dans les studios ?
Robert : Pas beaucoup, mais un peu... Probablement six ou sept chansons.

Simon : Je pensais que tu avais une K7, tu te souviens lorsque nous avons fait le premier "Primary" ?

Robert : Et nous avons fait cette chanson : "Tatatatatata" (Robert chantonne-NDT)... Celle-là !

Simon : Une chanson indienne.

Robert : ....La raison pour laquelle je ne les ai jamais utilisées est que nous ne les aimions pas, aussi cela aurait été stupide. Cela fait partie du contrat que nous avons signé avec Fiction et Polydor il y a deux ans. Nous ne sommes pas autorisés à sortir tout le matériel que nous avons enregistré sans leur autorisation; sauf si nous décidons de faire un autre album Curiosity, elles ne sortiront pas. De toute manière, la plupart d'entre elles sont vraiment de la merde. C'est simplement parce qu'on les a enregistrées, mais cela ne veut pas dire que c'est bon. Quelquefois nous enregistrons les pires merdes. Pas souvent, mais parfois... A propos de : (Robert chantonne-NDR) "What Do You Like" !

Simon : oh oui!

Robert : "Kelly"??? "Mary".

Simon : "Kelly Mary"

Robert : Elle a été chourrée!!!

Simon : Vraiment ?

Robert : Oui, c'est un des titres qui nous a été volé. Cela sortira sans doute un jour dans une saloperie de pirate "Cure love disco again".

 
En 1986 "Do The Hansa" fut la face B de la version maxi de "Boys Don't Cry" mais cette version est tout à fait différente de l'originale que vous aviez l'habitude de jouer sur scène, le "Disco music, disco music" a disparu, est-ce en relation avec le succès que vous aviez à cette époque ?
Robert : Etait-ce vraiment différent ? C'était une des versions de "Do The Hansa" enregistrées avec Michael et Lol. Avec la version originale nous avons seulement utilisé le changement (de bassiste-NDT) , nous avons joué tous les quatre (Simon et Michael comme bassistes-NDT), n'est-ce pas ? Et nous avons pensé, Matthew, Simon, moi et Lol...  nous avons changé l'original pour mieux correspondre avec ce que nous faisions à l'époque où cela a été enregistré;  en fait cela aurait été plus simple de le ré-enregistrer.
 

C'est la version originale ?
Robert : Oui et "Pillbox Tales" également. Oui, c'est l'originale mais je pense que j'ai rechanté "Pillbox Tales". Oui, je l'ai fait et j'ai rechanté "Boys Don't Cry". Ce que j'avais écrit ne m'ennuyait pas mais je pensais que si cela sonnait de cette manière c'est parce que j'étais plus jeune ; mais c'était terrible cette voix, la voix sur l'original (Robert se parodie-NDR) "Tatatatatata..."...

Et dans "Foxy Lady", avec Michael qui chante !
Robert : Oui, malheureusement. C'est la chanson de Cure que j'aime le moins, en fait ce n'est pas une chanson de The Cure (de Jimmy Hendrix-NDT).
 

(à Robert) : Tu as mentionné une fois l'existence d'une K7 sur laquelle tu aurais enregistré des chansons que tu as définies comme stupides et parfaites pour un 45 tours. L'as-tu encore ?
Robert : Beaucoup d'idées ont été utilisées pour des choses différentes : "Why Can't I Be You ?" est une de ces chansons mais elle est devenue, pour moi, une chanson vraiment bonne. On fait des tonnes et des tonnes de trucs mais, je suppose que les gens pensent que, parce que nous vendons beaucoup de disques, nous ne faisons pas de choses stupides simplement parce que d'autres groupes ne le font pas. Tu ne peux pas imaginer Simple Minds simplement jouer dans une de leurs maisons juste pour le plaisir mais nous, nous le faisons. Nous jouons et enregistrons simplement sur notre seize pistes et juste pour le plaisir. C'est pour cela que nous sommes dans un groupe de toute manière. C'est pour le plaisir...
 

Comment décidez-vous quelle chanson sera un simple ? Pourriez vous aujourd'hui sortir une chanson comme "The Same Deep Water As You" en tant que 45 tours ?
Robert : Oui. Sur Disintegration, chaque chanson aurait pu être un simple. Je veux dire, nous avons un droit de veto, nous pouvons dire : "Disintegration" doit être notre prochain simple et le sortir. Mais ce serait tout à fait stupide de le faire car personne, dans n'importe quelle maison de disques, penserait que c'est un bon simple et donc se soucierait de le promouvoir, s'inquiéterait de savoir s'il passe à la radio ; non pas que cela se fasse d'habitude, mais on ne ferait rien pour le promouvoir qui lui donne une chance d'être entendu. Alors que faisons nous ? Nous sommes fiers de tout ce qui est dans le disque et nous laissons choisir le simple : "Vous pouvez avoir n'importe quel simple". A l'origine, j'ai insisté pour que "Fascination Street" soit le 45. J'avais tord. Je ne sais vraiment pas, à moins que cela ne saute aux yeux, ce que doit être un 45 tours. Ce serait super de sortir "The Same Deep Water As You" comme le premier simple d'un album comme Disintegration mais il ne serait joué nulle part, alors quel serait l'intérêt ? Un album comme Disintegration est plus important qu'un simple de toute façon. Les 45 tours sont simplement des affaires promotionnelles. J'ai toujours pensé que "Lullaby".... avec la vidéo de "Lullaby", on mentionne simplement notre nom, ce n'est pas vraiment important... C'est une bonne vidéo, elle est drôle et "Fascination Street" est OK comme vidéo mais ce n'est pas vraiment les meilleures choses que nous avons faites, je ne pense pas. Quelquefois nous faisons un simple et c'est le meilleur comme "In Between Days" qui, je pense, était le parfait simple et "Just Like Heaven" était vraiment un parfait simple mais quelquefois ils représentent le bon côté de The Cure aussi bien qu'ils mettent l'accent sur le côté pop et le pire simple... je n'aimais pas vraiment "Lullaby".

Simon : Hein !!!

Robert : Je ne l'ai jamais vraiment aimée, elle a juste jailli. Des chansons de Disintegration, c'est la plus faible. C'est notre simple qui s'est le plus vendu, alors cela montre simplement que je n'y connais rien.

Vous avez inspiré beaucoup de nouveaux groupes et The Cure est certainement considéré comme un des groupes les plus importants des années 80. En êtes-vous fiers ?
Robert : Humm, oui. J'en ai été surpris, bien que je suppose qu'en 1979, je n'aurais jamais imaginé une seule minute que nous continuerions jusqu'en 1989. Mais à l'époque où nous avons fait Seventeen Seconds, j'ai pensé que, même pour ce seul disque, nous serions remarqués aussi, je ne m'en suis plus jamais soucié. J'ai pensé que nous avions fait un bon disque et c'est tout ce qui était important. En étant réaliste, c'est très surprenant la façon dont nous avons si bien réussi, mais, si je devenais prétentieux, je dirais que j'ai rencontré très peu de gens dans d'autres groupes qui sont près du sens de perception ou d'intelligence que les gens qui sont dans The Cure; ils disent seulement des conneries, ils vont dans la mauvaise direction et cela convient à beaucoup de gens. Un groupe est utilisé comme véhicule pour aller quelque part. C'est comme les gens qui vous disent : "Est-ce que vous aviez jamais imaginé "arriver" à ce stade en 1989" ? Je n'ai jamais pensé à l'idée d'aller quelque part. Etre dans The Cure a toujours été de faire ce que nous faisons actuellement. Nous n'avons jamais eu l'idée d'aller quelque part parce que Seventeen Seconds est un disque aussi important que Disintegration, mais il n'y a pas de logique qui vous fait arriver de Seventeen Seconds neuf ans plus tard à Disintegration; la part de logique est juste ce qui est arrivé. Non, je pense que j'en suis fier. (à Simon) Le sommes-nous ?

Simon : Fier de jouer pour des trous du cul !!! (rires)

Robert : Oh, Vas te faire foutre!!! C'est comme quand tu dis que jouer en Angleterre, c'est comme jouer en France !!!

(à Robert) : Tu as dit que Paul Young voulait chanter "Boys Don't Cry" et que tu avais refusé. Pourquoi avez-vous accepté pour Dinosaur Junior ?
Robert : Oh, tu ne peux pas refuser. N'importe qui peut reprendre la chanson de n'importe qui. Tu n'as pas à avoir la permission mais il voulait notre bénédiction, il voulait que l'on en parle.

Simon : C'était "Secrets" ?

Robert : Non, c'était "Boys Don't Cry". Oui, parce que autrement, il ne peut pas utiliser le nom de The Cure : "blablabla, c'est "Boys Don't Cry""; mais Dinosaur Jr m'ont envoyé une K7 de "Just Like Heaven" en décembre dernier et j'ai pensé que c'était génial mais de toute manière j'avais leur album et je pensais que c'était vraiment un bon album... Si cela avait été quelqu'un d'autre, The Bangles ou "quelque chose" comme ça, j'aurais dit que c'était de la merde. Tu ne peux empêcher personne de faire n'importe quelle chanson mais les gens ne font pas beaucoup de reprises des chansons de The Cure car cela ne sonne jamais juste. Avez-vous déjà entendu une chanson de The Cure dans un ascenseur ?

Simon : Oui, "A Forest" !!!

Robert : "A Forest" fait par un groupe de rock'n'roll. C'était horrible.

Que pensez-vous du fait que le groupe ou toi même, Robert, avez influencé la création de fan-clubs ou de fanzines? Vous sentez-vous concernés et qu'en pensez-vous ?
Robert : Je suppose, c'est aussi marrant qu'étrange. Lire Three Imaginary Boys c'est vraiment, c'est quelquefois très dur. Aller quelquefois à l'intérieur de ce que le groupe fait, je crois que c'est ce que vous faites ; vous organisez plus ce que nous faisons que nous le faisons nous-mêmes. Vous vous inquiétez plus de ce que nous faisons que nous. Je le lis à Mary et à Simon, ils sont comme... ils ne peuvent croire que vous écrivez des choses comme cela. Je ne sais pas.

Je pense qu'il n'y a pas beaucoup à franchir entre être conscient de sa valeur et être prétentieux. C'est comme si l'on écrit beaucoup sur toi et que l'on te voit beaucoup, c'est très facile d'avoir la grosse tête et c'est inquiétant si les gens deviennent obsédés par toi. On en revient à la même chose que les gens qui pensent connaître le groupe et souvent, ce n'est pas vrai.

Nous ne sommes pas aussi sérieux que vous le pensez...


QUESTIONS D'IMAGES... (1991)

Au milieu d'une année prévue plutôt creuse, des rumeurs de plus en plus confirmées annonçaient un coffret CD regroupant l'oeuvre complète de The Cure puis la fameuse cassette vidéo. Des bilans dans la carrière du groupe.
La sortie de la vidéo paraissait une occasion rêvée d'aller retrouver Robert et ses compagnons en plein enregistrement de leur prochain album dans un studio londonien.

Une rencontre chaleureuse, dans l'atmosphère détendue d'une maison campagnarde. Autour d'une table en bois massif, très rustique, il livre de sa voix douce et réfléchie les impressions de ses derniers mois.

Peux-tu nous parler de cette nouvelle cassette vidéo Picture Show ?
Robert : A la base, c'est toutes les vidéos depuis la dernière cassette Staring At The Sea. Ca commence par "Why Can't I Be You?" et c'est dix vidéos jusqu'à la dernière "Close To Me". Et entre chaque vidéo, il y a des petits films pertinents sur le groupe. Il y a une séquence de nous en tournée aux Etats-Unis, et il y a des petits bouts de nous faisant "Lovesong" ou des discussions entre nous cinq, des bouts de nous voyageant dans un van... On essaye de donner une autre image que ce qui se passe dans les vidéos. Pour donner réellement aux gens une notion de temps, les changements du groupe et toutes sortes de choses. Autrement, s'il n'y avait que les dix vidéos ce ne serait pas intéressant. Donc nous avons fouillé dans beaucoup de nos petits films personnels. On nous voit en robes à fleurs pendant quinze secondes quand nous avions fait l'émission de Champs Elysées. Il y a beaucoup de petits bouts comme ça entre chaque vidéo.
Je crois qu'il y en a à peu près une demi heure de valable. J'adore la séquence avant "Pictures Of You", c'est Roger qui avait filmé le jour du tournage. Et c'est juste l'histoire de cette journée qui était réellement drôle. J'aime aussi la séquence de nous en backstage du Dodger Stadium pendant la tournée de Disintegration aux Etats-Unis parce qu'elle reflétait notre état d'esprit avant un grand concert. Il y avait cette sorte de tension, c'était bien !
 

Que représente exactement la jaquette ?
C'est une vieille photo tirée d'un bouquin à moi, l'Encyclopédie Des Choses Mystérieuses ou quelque chose comme ça. C'est une fille... Vous savez, une planchette pour l'écriture automatique, c'est un peu comme un ouija sauf qu'elle a un stylo et quand elle est en transe elle fait ça et dessine des images en écrivant. J'ai trouvé que c'était une belle photo car au premier coup d'oeil, on ne sait pas réellement ce que c'est.
 

Et parmi ces vidéos quelle est ta préférée ?
Pour les avoir vues plusieurs fois en les assemblant, je crois que c'est "Never Enough". Je trouve qu'elle est bien foutue, et je pense qu'il y a une bonne atmosphère. C'est un étrange mariage entre la chanson et la vidéo, parce que lorsque tu écoutes la chanson tu ne peux pas imaginer la vidéo jusqu'à ce que tu la voies. Bien sûr, je pense que "Lullaby" est une bonne vidéo car vraiment, il en ressort fortement toute l'idée de moi malade.
De toute façon, elles ont toutes quelque chose de louable. Quelques unes ne sont pas très bonnes. Je n'aime pas vraiment "Lovesong" et en particulier "Fascination Street". Mais ce serait stupide de les laisser de côté car d'autres personnes sont venues nous dire : "Oh, j'ai vraiment aimé "Lovesong" ! "
 

Y a t-il des anecdotes marrantes pendant les tournages ?
Hum... en fait, les vidéos ne sont pas très drôles à faire car tu passes des heures à attendre, à ne rien faire. Tu attends que la lumière soit bonne, ou que les prises de vues se fassent. Et alors tu peux les refaire deux à trois fois et tout ça pour dix ou quinze secondes seulement. Tu attends une autre heure pour la prochaine prise de vues, donc c'est un processus très laborieux. Et les autres aussi doivent attendre, en particulier après moi, à cause de mes plans en solo. Donc pendant toute la journée du tournage qui dure généralement pour nous, de midi à six heures du matin, il faut dix-huit heures pour faire une vidéo.
Il y a beaucoup de choses marrantes, mais pas vraiment des anecdotes. C'est juste nous assis, en train de discuter. En particulier, les vidéos avec Chris Parry et Bruno (NDLR : assistant du groupe) sont très drôles parce que nous en faisions des victimes. Comme Bruno en ours polaire dans "Pictures Of You", c'était une journée vraiment drôle ou encore, Chris Parry qui devait prendre de l'hélium pour avoir cette voix aiguë (NDLR : Chris Parry jouait le rôle du montreur de monstres au début de "Never Enough") et ça c'était vraiment marrant. Tim Pope le faisait durer, et durer jusqu'à ce qu'il s'évanouisse et perde conscience. D'habitude, il n'y a pas assez de temps pour que les choses soient drôles. Je veux dire qu'il y a peu de séquences drôles de nous et toutes celles que l'on a filmées sont sur la cassette. C'est comme celle avant "Hot Hot Hot!!!" où nous étions assis pour une prise de vues et que j'ai craché sur Lol. Mais généralement il n'y a pas de journées franchement drôles. En fait, nous travaillons probablement beaucoup plus en faisant une vidéo qu'en faisant n'importe quoi d'autre parce que quand tu pars à la fin de la journée, tu n'as pas l'impression d'avoir fait quelque chose parce que sur le moment tu n'as rien à écouter ou à regarder. Mais après le tournage c'est très agréable de voir comment elles sont ficelées quand Tim a ajouté des petits bouts. C'est bien.
 

Pourrais-tu travailler avec un autre réalisateur que Tim Pope ?
Je ne sais pas si nous le ferons. Je ne sais pas si ça vaudrait le coup. Je pense que les raisons qui nous lient à Tim et lui à nous, c'est que nous avons fait et faisons toujours la même chose. Les gens disent qu'il a un style mais ce n'est pas vraiment ça. Parce que si tu regardes les autres choses qu'il a faites comme les vidéos de The The ou Talk Talk ou la pub pour Sugar Puff ou celle pour Carlsberg, il a fait des choses différentes pour des personnes différentes. Et quand il travaille avec nous, il essaye... enfin, il doit travailler avec moi. Et c'est pour ça que les gens pensent qu'il a le style Cure. Mais je pense que n'importe quel autre réalisateur serait lié par ce que nous lui proposons de faire. Il y a certaines choses que nous ne ferons pas, que nous n'essayerons pas, et nous ne ressemblerons pas à quelque chose que nous ne sommes pas. Nous sommes prêts à paraître stupides mais non à essayer d'être sérieux. Mais je n'ai jamais senti le besoin de travailler avec un autre réalisateur depuis que je l'ai rencontré. C'est comme nous avons travaillé beaucoup avec Dave Allen, il transcrit nos idées pour les enregistrer. Et c'est la même chose pour Tim Pope, il transcrit nos idées pour les filmer. Je pense que cela n'aurait pas de sens de trouver quelqu'un d'autre.

 
Mais en 89, il y avait un projet avec Mondino, non ?
C'est à chaque fois comme ça, en particulier, quand les gens de la maison de disques viennent nous voir avec des suggestions. Mais il voulait une fortune et je ne voulais pas le faire de toute façon. Et cela ne s'est pas fait.
 

En fait, tu es toujours d'accord avec l'image du groupe que donne Tim Pope ?
Non pas toujours, mais ce n'est pas de sa faute. La vidéo de "Lovesong" est un bon exemple. On en avait parlé, on s'était vu avant pour être sûr qu'on ait les mêmes idées. On avait les mêmes références sur les films, sur les livres, d'un point de vue général. C'était comme dans les autres vidéos que nous avons faites. Mais avec "Lovesong", cela n'a pas marché car tout le monde était à côté de la plaque et personne n'était préparé à faire quelque chose. Et alors, tout ce qu'il a rendu c'est un groupe simplement assis là, ayant l'air misérable, sauf moi. Je l'ai forcé à me rendre plus misérable car tous les autres l'étaient, et à la fin de tout ça nous en sommes arrivés à quelque chose qui ne nous ressemble pas. Pour moi c'est le plus mauvais exemple d'une vidéo sur une chanson.
Mais en général, je vais toujours au montage pour voir comment il est réalisé. Je me suis fâché avec lui une seule fois, et c'était pour le début de "Lullaby". Nous avions une prise de vues différente et j'ai refusé qu'il l'utilise : c'était un gros plan de moi, c'était une partie de mon visage (il mime le plan, les deux mains contre son visage-NDLR) et c'était plein de sueur !!! simplement parce que c'était trop horrible et si les gens avaient vu ça, ils auraient pu penser "Oh non !". Déjà que tout le temps tu penses que c'est horrible... Aussi je pensais que l'on devait avoir le lit pour qu'on ait plutôt l'idée que je suis malade, mais finalement je n'ai pas l'air si horrible que ça. En fait, c'est un peu de la vanité, car je ne voulais pas que les gens soient dégoûtés par la première image.

As-tu tourné des vidéos qui n'ont jamais été diffusées ?
Pas exactement, pas avec une équipe. On a filmé beaucoup de concerts depuis la table de mixage avec une prise de vues fixe de la scène. On a enregistré les trois nuits à Wembley en 89 et trois ou quatre concerts américains comme cela et je ne sais pas pourquoi, je ne les ai jamais regardés. J'aime celle du Giants Stadium, on en a utilisé un morceau dans cette cassette. Mais la plupart du temps, c'est simplement une seule prise de vues et ce serait trop ennuyeux. Quelquefois on filme pour savoir à quoi ressemblent les lumières, pour voir si on ne peut pas apporter une quelconque amélioration aux éclairages. Donc on le fait dans un but critique, pas vraiment pour le plaisir. J'aurais aimé qu'il y ait un film du Prayer Tour, cela aurait été génial, mais nous ne l'avons pas fait car nous sommes stupides. Personne n'a proposé de le faire, personne n'est venu nous dire : "Je veux faire ce film !"
 

Et pourquoi pas un film "In Bed With The Cure" ?
Ce serait indiffusable ! Je n'ai pas vu ce film avec Madonna, mais je sais que je ne permettrais à personne de me filmer dans certaines situations. Je ne veux pas m'exposer de cette manière. Si tu veux vraiment te montrer comme cela, tu dois être sérieusement dérangé. N'avoir aucun secret, ce serait horrible !
 
 
Tu as dit que Tom Sheehan avait pris une photo parfaite de toi ?
Il apris une fois ce que je pense être la photo parfaite, je l'ai à la maison, mais je ne l'ai pas utilisée. C'est juste un gros plan. J'avais mon perfecto et il m'a pris en photo alors que je ne m'y attendais pas. Ca ressemble à ce que je m'imaginais être. Donc il y a toujours une sorte de spontanéité quand je vois une photo avec mon look, je la connais déjà, mais c'est rare pour quelqu'un qui prend juste une photo d'avoir une pose naturelle. Je l'aime bien. Je la garde pour quelque chose, je ne sais pas quoi.
 

On a lu dans le Melody Maker que vous alliez sortir deux albums ?
Bien, l'un sera le nouvel album, un album normal avec dix ou douze chansons et l'autre sera un album instrumental avec aussi dix ou douze mais des chansons différentes qui sonnent moins que le groupe. Et l'album instrumental est appelé Music For Dream et regroupera des morceaux qu'on a fait depuis des années, des trucs bizarres.
 

Ca ressemblera à Carnage Visors ou quelque chose dans ce genre ?
Non, il n'y aura pas de thème. C'est juste dix ou douze chansons distinctes et différentes, sur lesquelles je ne chante pas.

 
Et pour l'autre album ? Est-ce que vous avez déjà une idée de base comme pour Disintegration ?
Non. En fait, nous avons juste parlé de cela cette après-midi. Nous n'avons pas une idée précise de ce que ça va donner. Nous avons fait trente démos et je pense que sept d'entre elles sont définitives. Je pense qu'elles sont toutes différentes, ça ressemblera beaucoup plus à The Head On The Door. Je veux dire que ça ne sonnera pas comme cela, mais c'est l'idée que les chansons sont différentes les unes des autres, donc je suppose qu'il n'y aura pas un sentiment général. Mais ce ne sera pas comme l'album Kiss Me Kiss Me Kiss Me dans lequel nous avions essayé de créer des styles différents qui n'étaient pas naturels comme "Hot Hot Hot !!!" ou "Why Can't I Be You ?". Il n'y aura pas ce genre de singles dansants. Je suppose que... Mais il a une ampleur que Disintegration n'avait pas. On ne retrouve pas ce sentiment à travers l'album.
 

Est-ce que l'on y trouvera des nouvelles chansons comme "The Big Hand", "Away", "Letter To Elise" ou "Wendy Time" ?
Hum... Je ne sais pas. En fait, nous avons évidemment fait des démos de ces quatre chansons. Je pense que les deux morceaux possibles pour l'album seront : "The Big Hand" et "A Letter To Elise". Elles ont l'air d'être les deux favorites des quatre. Je ne suis pas encore convaincus par les deux autres. Elles ont sonné différemment l'autre jour et ça sonnait vraiment bien alors je ne sais pas encore. Il y en a tellement. Nous avons commencé à discuter quelles sont les meilleures.
 

En janvier dernier, vous avez gagné les British Awards, ça t'a fait quel effet ?
J'étais vraiment content, juste parce que c'est bien de gagner quelque chose. Cela n'aurait pas fait beaucoup de différence, on n'avait pas parié sur ça. On ne l'avait pas immédiatement mis en évidence. Polydor voulait faire quelque chose tout de suite mais nous avions refusé parce que cela aurait été trop stupide. Non, nous nous y attendions pas mais nous avons gagné. C'est juste quand nous étions là-bas que nous avions su que nous avions gagné. C'était juste une bonne soirée. Ce n'était pas l'événement le plus important de ma vie, mais je crois que ma mère était très contente.
 

Y a-t-il aujourd'hui des artistes avec qui tu aimerais travailler ?
Non, en fait All About Eve m'ont demandé de jouer de la guitare sur leur nouvel album l'année dernière et je suis allé jusqu'à les rencontrer, leur parler et écouter les démos, mais je trouvais que quelque chose n'allait pas, je ne pouvais pas imaginer faire ça avec quelqu'un. Je ne sais pas. En fait, je n'ai aucun désir de le faire, donc je n'en vois pas vraiment l'intérêt. J'adore juste écouter les gens, mais je ne veux pas vraiment participer. Je pense que je serais très nerveux si je devais jouer avec les gens que j'admire vraiment.
 

Tu es allé voir Lol en concert, qu'en as-tu pensé ?
J'ai trouvé ça ennuyeux. J'ai trouvé que Biddles essayait durement d'en faire sortir quelque chose, mais il y a deux choses que je déteste c'est que Lol était au premier plan en train de faire semblant de jouer aux keyboards alors qu'il n'a rien joué de toute la nuit pendant que les autres jouaient. Rien n'a changé. Et aussi il y a cette musique trop formelle. Je ne sais pas. Il n'ont aucune présence. Je crois que c'était un mauvais choix pour le nom de toute façon. En fait ils seraient pas mal s'ils n'avaient pas Lol. Il était superficiel pour The Cure, il semble l'être aussi pour Presence. .....
 

Est-ce que The Cure pourrait exister sans Robert Smith comme Echo And The Bunnymen existe sans Ian Mc Cullough ?
Hum... (silence...), non pas dans mon esprit. Je pense que ce serait étrange. Non, je n'aimerais pas vraiment. Je m'y suis trop investi pour que ça continue sans moi. Mais je pense que j'ai toujours vu cela comme le contraire quand les gens disent que je suis The Cure, mais ce n'est pas vrai si tu retournes le problème. Il y a, c'est que je ne peux pas les imaginer exister sans moi. Il y a deux choses différentes mais la perspective est différente. The Cure n'aurait pas existé si je n'étais pas là, mais juste parce que je suis là qu'il ne doit pas exister sans moi. Enfin...
 

Considérant que chaque Docteur Jekyll a son Mister Hyde, comment est le tien ?
Le fait d'être le centre de l'attention. Je me trouvais faire cela et quand je me réveille le lendemain je me dis : "Pourquoi as-tu fait ça?". Je méprise ce côté de moi même mais je suppose que ça fait partie du fait d'être dans le groupe. Si je n'aimais pas cela, je ne chanterais pas, je ne chanterais pas devant un public. Donc je dois vivre avec. C'est quelque chose, pas réellement comme une malédiction mais je dois vivre avec.... 


DANS LES MEANDRES DU WISH TOUR (1992)

Madrid, à l'approche de la fin de la tournée, Robert se penche sur le bilan et tire des conclusions. Avec distance et calme, il revient sur les différents événements qui ont ponctué les huit mois du Wish Tour et dévoile les aspects cachés des voyages et des concerts, ses sentiments sur son public, comment il voit les fans, la façon dont il conçoit les setlists… et dresse en somme, le portrait d'une année sur les routes dans ses détails et ses secrets.

Après plus de cinquante concerts quel est ton sentiment général sur la tournée ?
Je pense qu'il y a eu quatre tournées différentes. Cela ne m'a pas paru comme une tournée mondiale.
Les dates anglaises, américaines, et australiennes et puis les européennes ont formé quatre tournées distinctes qui ont leurs propres caractéristiques. C'est en partie dû à la nature des pays mais aussi à celle des fans et des salles et aussi du personnel. Lorsque l'on a commencé les dates anglaises, il y avait un niveau d'énergie... simplement aller et jouer dans de petits endroits et voyager en bus, c'était exactement comme il y a dix ans, c'était une très bonne atmosphère.

Aux Etats-Unis, ce fut personnellement la tournée préférée de toutes celles que j'ai faites. J'ai vraiment, vraiment apprécié. Bien sûr, il y a eu des choses que je n'ai pas aimées, quelques nuits, mais en général, l'atmosphère a été très bonne. Dans une tournée de cette longueur, il y a toujours quelque chose qui ne va pas aller, il y a toujours des disputes, des tensions... mais je m'étais bien préparé mentalement pour cette tournée, j'ai simplement ignoré tout ce qui n'allait pas mis à part une ou deux nuits, certainement dans les deux premières semaines, où là, j'ai eu envie d'abandonner et retourner à la maison, ça a été vraiment bien.
Mexico fut une sorte de mélange étrange, un peu comme l'Amérique du Sud. Ce fut une expérience mémorable mais tout le temps où j'ai été là-bas, je pensais que j'en rirais une fois sorti. Je dois admettre que cela ne fut pas aussi agréable que prévu. Je suppose qu'avoir été atteint au visage sur scène... Si cela n'était pas arrivé, j'aurais certainement eu de meilleurs souvenirs mais même le public n'a pas semblé... En Amérique du Sud, le public semblait vouloir vraiment nous voir... A Mexico, c'était plus le sentiment que, comme peu de groupes vont y jouer, ils vont voir n'importe qui, ce qui était évidemment aussi le cas au Brésil et en Argentine. Les gens dans le public sur les photos portaient des T-Shirts d'Elton John, de Queen, d'Iron Maiden, les groupes qui y sont allés avant. Mais ils avaient l'air d'être plus concernés. Alors qu'à Mexico, ce sont de drôle de gens, c'est je pense un pays assez difficile pour vivre. Et puis, il y a toujours ce sentiment étrange de culpabilité d'aller dans des endroits comme l'Amérique du Sud ou Mexico, tu vas jouer un concert et leur prendre de l'argent. Même si tu es très bon, tu te sens toujours coupable, enfin moi, mais bon, on nous a demandé de venir jouer, on vend beaucoup de disques...

Et le public est content de vous voir jouer...
Oui. Je n'essaye pas de faire croire que c'est négatif car la réaction fut bonne, c'est simplement ce que j'ai ressenti. Cela aurait été mieux si, sachant qu'on allait à Mexico, on avait pris une semaine et joué trois concerts, par exemple deux à Mexico City et un à Monterrey ou trois salles plus petites. Cela aurait été mieux parce que ce qui est arrivé, c'est que sur les 40 000 au moins 10 ou 20 000 personnes ont du voyager de Mexico à Monterrey. Nous aurions dû annuler un ou deux concerts du Sud des Etats-Unis et jouer une ou deux nuits de plus au Mexique. L'Australie fut le tournant parce qu'en fait, je suis beaucoup sorti en Australie. Je suis sorti tous les soirs pour jouer au billard, boire. Parce que je savais qu'on avait trois semaines, j'ai essayé de fourrer tout dedans. Parce que je pensais que même si je me sentais mal, au bout de trois semaines, je rentrerais à la maison. Ce fut trois semaines très émotionnelles. J'étais très fatigué et certains shows s'en sont ressentis. Cela prouve que j'ai raison de ne pas sortir, parce que si les concerts en souffrent, cela ne vaut pas la peine, cela n'a aucun sens. Je ne peux plus rester éveillé jusqu'à 7 heures du matin à boire et m'attendre à un bon show le jour d'après parce que je me sens comme si j'avais envie de mourir.
 

En Australie, il y a eu superficiellement beaucoup de bonnes choses mais d'une manière bizarre, il manquait quelque chose en Australie, je ne sais pas, c'est là que l'atmosphère a commencé à se détériorer un peu. Je pense que dans un grand instantané de ce qui est arrivé cette année, tout ce qui entoure le groupe avec les traumatismes personnels, on a perdu quelque chose dans le sens où pendant le Prayer Tour, c'était plus une sorte de famille lorsque l'on voyageait, l'entourage ne tombait pas à moins de douze ou allait parfois jusqu'à seize personnes. Ce côté là n'est pas présent cette année dans la tournée, je pense que les autres en sont heureux mais d'une manière assez bizarre, cela me manque. Cela me manque vraiment. C'était un excitant, pas les concerts mais juste voyager dans le car ou sortir pour les repas. Cela n'est plus présent et j'ai commencé à m'apercevoir en Australie que c'était un côté important de The Cure, pour moi. De toute façon, je ne pense pas que cela soit le cas pour les autres.
 
 


Donc, quand nous avons commencé la tournée en Scandinavie, lorsqu'on est revenu après la courte interruption post australienne, il est devenu évident que Simon était vraiment malade, dès le premier concert. Je n'arrivais pas à croire combien il allait mal lorsque nous avons commencé. Je savais déjà, pour être honnête, dès le début. Je pensais que quelque chose arriverait probablement avant qu'on atteigne l'Allemagne car nous avions de longs voyages. Je pensais que quelque chose arriverait et provoquerait le retour de quelqu'un à la maison. Je ne savais pas qui ce serait, je savais que ce ne serait pas moi parce que je n'en ai pas le droit mais il y a eu tout au long de cette tournée une sorte de conflit latent qui n'est jamais bon. Cela vient simplement de la frustration. La frustration qui se manifeste sous formes bizarres venant de l'entourage, une frustration venant à la base du mal que se faisait Simon à lui-même. Il se présentait sous des dehors très agressifs mais je compatissais parfois car c'est très difficile quand il y a quelqu'un que tu apprécies, que tu aimes énormément, quand tu essaies de lui faire faire quelque chose, tu essaies de lui montrer que ce qu'il fait est mal mais il se fout de ce que tu lui dis. Et si par hasard ta patience vient à bout, tu te sens comme si tu haïssais cette personne parce que c'est comme si elle te renvoyait tout à la figure. C'est comme si elle reniait l'existence de tout ce que tu as qui est bien. Dans un sens, j'aurais dû intervenir plus tôt. Je n'aurais pas dû attendre que Simon aille si mal qu'on doive l'envoyer par avion à l'hôpital mais mes rapports avec Simon sont si différents de ceux que j'ai avec les autres dans le groupe. Dans le groupe, il y a le sentiment que j'aborde les choses de manière un peu plus professionnelle, je ne sais pas, je ne suis pas sûr... Teddy doit être comme moi, probablement le plus proche de ce que je ressens. The Cure cela veut dire plus que juste monter sur scène et faire une bonne performance. Il doit y avoir quelque chose de plus, sans cela, ce serait ennuyeux. On était devenu moins que ce que je pense être et il y avait quelque chose de cela. Tu ne peux pas te dire que juste parce qu'on est The Cure, on peut monter sur scène et merder pendant une heure parce que je ne le trouverais pas acceptable. C'est le mariage des deux idées et j'essayais de nier que ce côté s'en allait et en fait, on allait sur scène et peut-être la moitié des deux heures et demi n'était pas si bonne. Et tout le monde disait : "nous savons pourquoi ce n'est pas bon" et je savais pourquoi ce n'était pas bon et je savais pourquoi cela allait de pire en pire mais je ne voulais pas l'admettre alors que j'aurais dû le faire. Je ne sais pas, peut-être cela aurait été le choc dont Simon a besoin et avait besoin depuis quelque temps... Donc, cela a donné une couleur à la tournée. Il y a eu des nuits géniales, ayant dit tout cela. Quelques unes d'entre elles ont été parmi les concerts les plus intenses que nous avons faits cette année, dans la tournée européenne.
Les trois nuits à Paris ne seraient jamais arrivées si tout le monde dans le groupe avait été heureux ou de bonne humeur tout le temps. Je ne pense pas qu'on aurait tenté ce que l'on a fait à Paris, je ne pense pas qu'on aurait obtenu cette intensité sur scène. Des choses bonnes en sont sorties, mais c'est vraiment un prix trop élevé à payer. J'ai aimé les concerts américains parce que je pense que nous avons atteint le point où en tant que groupe jouant sur scène, lorsqu'on a fait le Texas Stadium à Dallas je pense que c'était vraiment un concert brillant, simplement la façon dont on a réussi à jouer devant tant de personnes, de la façon dont on l'a fait et encore faire un bon concert. Je dois admettre que je me suis senti comme si j'avais fait quelque chose. J'ai vraiment adoré ce sentiment. Je suppose que c'est les deux extrêmes, les trois soirs au Zénith et le Texas Stadium et je les ai aimés tous les deux pour des raisons vraiment très très différentes.
Mais en général, depuis avril, je pense simplement que cela a été très long. C'est un peu plus que six mois ou sept, cela parait comme vingt.

Quelle est encore la chose la plus difficile pour toi en tournée ?
Je pense que les deux choses les plus difficiles sont de ne pas boire pendant mes jours de repos alors que tout le monde le fait parce que je sais que le jour d'après j'en souffrirai ou le concert en souffrira et je déteste me lever, c'est ce que je déteste le plus en tournée et aussi, le sentiment que l'on n'a jamais vraiment assez de temps pour faire quelque chose même les jours de repos où tu passes ton temps à voyager et c'est assez perturbant. Tu passes 90 % de ton temps en tournée à voyager ; c'est une sorte de stress ambiant, bien sûr c'est un choix...

Faire une tournée, cela pourrait être de la routine, qu'est-ce qui maintient ta fraîcheur et ta motivation ?
Plusieurs choses, je suppose. Essayer de temps en temps d'introduire de nouvelles chansons mais même ça c'est un combat de dire aux autres "Et si on faisait de nouvelles chansons". Aussi, assez étrangement, le football parce que pendant cette tournée, je me suis fait envoyer des vidéos de foot, de football américain et de sports qui m'ont fait rester éveillé sur un sofa à regarder une heure ou deux dans le bus lors des voyages de six heures. Je restais en contact avec ce qui se passait dans le monde extérieur. On nous envoyait les journaux, les magazines, les journaux du dimanche. Tu essaies toujours de casser la routine par de petits trucs mais en fait tu ne peux pas car elle est là. On nous réveille le matin une heure avant de partir de l'hôtel puis on doit monter dans le car et puis on va à la destination suivante et puis on va généralement directement à la salle, on fait un soundcheck ; tout est similaire, dans un sens la routine est la seule chose qui te fait rester sain d'esprit. Pour moi, arriver dans un endroit, boire quelques bières et puis essayer de me préparer pour le concert fait partie de la routine dont je ne peux me passer car si nous restions à l'hôtel jusqu'à 9 heures et demi et arrivions pour le concert à dix heures puis montions sur scène, je détesterais cela. Cela dérangerait ma routine. Donc il y a des côtés qui sont bénéfiques ; ce qui est ennuyeux c'est de voyager, mais enfin c'est ça faire une tournée. Si tu n'avais pas voyager, ce serait génial. Tout ne serait que plaisir. Je déteste toujours les voyages, quelquefois un trajet peut être plaisant, si tu es en bonne compagnie mais... On voyage luxueusement, on a un car avec tout ce que l'on veut mais il y a toujours cette impression de perdre son temps, c'est du temps perdu, le temps que l'on passe à voyager.

A quoi tu penses généralement avant d'entrer en scène ?
Je m'imagine toujours que je suis dans le public.

Et alors ?
Si on joue par exemple un lundi et que je me sens malheureux j'essaye d'imaginer que nous ne sommes peut-être pas venus ici depuis des années et qu'il y a des gens qui ne nous ont jamais vus et j'essaye d'oublier que c'est lundi, que j'ai la gueule de bois... C'est une façon de combattre une certaine léthargie. Mais c'est difficile. Je n'essaie pas de me lamenter en pensant "c'est cela, c'est cela", parce que c'est naturel. Tout le monde monte sur scène dans l'idée que cela va être un bon concert, ce serait vraiment tragique.
Il y a des fois où tu dois savoir qu'il y a une drôle d'atmosphère dans les coulisses. Il y a eu des fois pendant cette tournée où tout le monde souhaitait que le concert se finisse pour rentrer à l'hôtel ou aller dans un bar ou faire autre chose. Mais la seule chose qui me met vraiment en colère, c'est quand les gens essayent de bousiller le concert. Pour moi, c'est la seule raison pour laquelle nous sommes ici. Si le concert est mauvais, cela me touche tellement parce que ça a été une perte de temps totale, le voyage, la préparation, le travail du personnel et tous ceux qui vont au concert et si c'est un mauvais concert, la seule chose que tu peux faire c'est te rendre à l'endroit suivant, toute la journée est gâchée. Je déteste si quelqu'un laisse percevoir une attitude telle que "Oh, je suis un peu fatigué, rentrons, ne jouons pas trop de titres", cela me met en colère. Mais je n'ai pas trop à me préparer pour un concert parce que c'est la seule chose que je fais dans une journée qui est physique. Je suis léthargique pendant le reste de la journée. C'est aussi un sentiment agréable que de crier et gueuler pendant deux heures, c'est pourquoi je ne suis pas trop stressé. Tout le monde devrait essayer de crier pendant deux heures.
 
Mais j'imagine que tu n'as pas le même sentiment si vous jouez à Paris par exemple ?
C'est un sentiment en plus lorsque tu joues un concert particulier dans une ville particulière et tu peux prévoir que ce sera un concert spécial. On le savait pour les trois soirs à Paris, cela aurait été difficile pour nous qu'ils ne soient pas bons parce que tout le monde les voulait bons. Ce qu'il y a de bien avec le Zénith, c'est que qui prouve que c'était un bon choix comme salle de concert, c'est que les coulisses sont un espace ouvert, tu pouvais sentir l'atmosphère de l'ensemble, tu en fais partie en fait, c'est pourquoi je sors voir les Cranes presque tous le soirs. Bien sûr c'est parce que j'aime les écouter mais c'est aussi parce que cela donne une idée de l'atmosphère plutôt que de juste te jeter sur scène directement ; cela peut être une expérience sérielle et quelquefois cela peut de prendre toute la nuit pour t'en sortir. Tu ne te sens pas concerné, tu te sens observé tout le temps. Mais si tu regardes quelqu'un d'autre en train de jouer sur scène, tu te sens un peu comme faisant partie du public. C'est autre chose que j'essaye. Je regarde les Cranes et je me dis que je peux faire ça.

Quel est le meilleur moment sur scène pour toi ?
Je crois que c'est quand je chante le dernier couplet de "End", c'est mon moment favori. Et j'aime aussi quand Paul commence son solo dans "From The Edge", parce que toutes les lumières sur scène me font me sentir bien. Mais chanter le dernier couplet de "End" parce que je chante si fort que je ne vois plus rien, c'est mon favori.

Et les rappels alors ?
Au sujet des rappels, j'ai toujours l'impression, quand nous avons fait "End", lorsque nous sortons, la suite du concert est complètement différente. Je me libère presque entièrement émotionnellement à la fin de "End" et après cela, beaucoup des chansons que nous faisons sont des chansons positives et ce sont des chansons pour rappels, et je me sens proche du public et je suppose qu'après avoir bu une bouteille de vin, je me sens un peu plus relax sur scène. Je me fais plaisir d'une manière plus idiote.
Mais quelquefois les trucs les plus intenses arrivent à la fin des rappels quand tout le monde est fatigué et tout le monde se laisse un peu aller, cela peut être vraiment bien. On a fait quelques versions de "Forever" qui ont été géniales. Et quelques versions de "A Forest" qui ont été géniales sur cette tournée. On a tout sur bande, mais je n'écoute jamais. Mais je suis content qu'on ait enregistré Paris car je pense qu'il y a des trucs là qui pour nous ne seraient pas impossibles à rendre mais plutôt difficiles à capturer, encore ce même sentiment. Je suis content qu'on ait fait le film aux Etats-Unis et pas en Europe parce qu'on aurait vraiment eu l'air horrible si on l'avait fait en Europe. Au moins, aux Etats-Unis, cela sonne comme si c'était un mensonge.

Mais vous avez joué moins de vieilles chansons aux Etats-Unis.
Oui. Je pense que c'est en partie parce que le public est plus jeune là-bas.

Ici aussi...
Mais je pense qu'il y a une grande part du public qui aime toujours The Cure en Europe qu'il y en a aux Etats-Unis. Je pense qu'aux Etats-Unis, on a tendance à attirer un public plus jeune et les vieux continuent d'aimer ce qui leur rappelle le passé mais maintenant ils se tournent plus vers des gens comme REM, ils ont migré, ils nous aiment et nous écoutent encore mais le groupe d'âge le plus important, ceux qui donneraient leur vie pour le groupe, est en général plus vieux en Europe où ils ont comme 20 ans ou plus. Les gens qui attendent à la sortie des salles et demandent des autographes sont plus vieux en Europe qu'aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, on dirait qu'ils ont treize ans ou alors ils rajeunissent quand ils ont vingt cinq ans, mais ils semblent plus jeunes. Peut-être est-ce parce qu'il y en a tellement.

C'est bizarre parce qu'ils ont commencé à écouter Cure en 1987 et maintenant ils veulent entendre les vieilles chansons.

C'est difficile quand tu es dans un groupe de comprendre que les gens veulent entendre les vieilles chansons, ils n'étaient pas forcement nés quand on a créé ces chansons. C'est comme quand on est allé voir les Stones en 1974, je voulais qu'ils jouent tous leurs vieux trucs, ceux que j'avais entendus quand j'avais 7 ans, c'est la même chose ; lorsque les gens viennent voir The Cure, ils veulent entendre ce que l'on jouait avant qu'ils aillent en concert, avant qu'ils sachent qui on était. C'est difficile de comprendre cela parce que la plupart du temps, si tu demandes au groupe qui veut entendre les vieilles chansons, ils diront les vieux fans mais ce n'est probablement pas vrai, c'est probablement les fans les plus récents qui veulent entendre les vieilles chansons. Mais pour la question du vieux et du neuf, cela dépend de l'endroit où tu traces la ligne. Depuis The Head On The Door, on a fait de meilleures musiques et de bien meilleures chansons qu'avant. Il y a de très bonnes chansons parmi les anciennes mais à l'époque où on les a faites, elles ont été faites pour une certaine raison et elles n'auraient pas pu être mieux. Seventeen Seconds était bien comme album parce que c'était très naïf, mais la façon d'écrire, je veux dire pour moi, si je les écrivais maintenant, je serais très déçu par au moins la moitié. Elles ne dépasseraient pas le cap des démos. Je les aurais jouées à la maison et dit non. Pas parce que je les avais déjà faites mais parce que je pense qu'il n'y a pas assez dedans. Mais quand on faisait l'album, je voulais qu'il n'y ait rien dedans, donc c'est ce que je pense que nous faisons et la manière dont j'ai progressé dans l'écriture plus qu'autre chose. Mais c'est vrai. Le groupe qui a existé avec Michael ou avec Simon, Matthew ou même le trio, moi, Simon et Lol. On n'aurait jamais pu écrire et jouer une chanson comme "The Deep Green Sea", c'était complètement au dessus de nous. Je n'aurais pas pu l'écrire et nous n'aurions pas pu la jouer, enfin Simon et moi si mais pas Lol.

Qu'est ce que tu ressens aujourd'hui quand vous jouez des vieilles chansons. As-tu le même plaisir que quand tu chantes les pop songs ?
Non, c'est un équilibre. C'est un équilibre difficile à réaliser, faire le set et choisir les rappels. Les trois premières chansons que l'on a apprises avec Roberto pour les rappels de Marseille, c'était "Primary", parce qu'il l'aimait et voulait la jouer, "Boys Don't Cry" et "A Forest", donc trois vieilles chansons et elles sont des favorites reconnues et les trois suivantes furent "Lovesong", "Close To Me" et "Why Can't I Be You ?" parce qu'elles sont aussi aimées ; pas seulement en tant que chansons mais aussi parce que les gens savent que pendant cette partie du concert, je peux me balader, je ne suis pas rivé au micro, donc c'est plus pour la performance live du groupe et pour moi de me balader en chantant que pour la chanson en elle-même. Je pense que ce n'est pas si important quelle chanson nous faisons du moment que je me balade avec le micro et que cela me fait me sentir bien pour cinq ou six minutes. Si nous essayions de jouer des vieilles chansons dans le sens de "Vous devez écouter cela, c'est très important", ce serait vraiment chiant, ce serait aussi ennuyeux pour le public. Même s'il y a beaucoup de gens qui trouveraient cela très intense, très gratifiant. Mais je pense qu'en tant que groupe, si on faisait cela tout les soirs, on perdrait quelque chose, l'émotion, je pense que c'est bien qu'il y ait les extrêmes. Mais il y a des occasions et il y a eu des occasions pendant tous les concerts que nous avons joués, où nous avons soudainement sorti une vieille chanson et si tu es là, tu l'entends, si tu n'es pas là, c'est dur mais... Avant la fin de la tournée, nous ferons "The Drowning Man" mais où et quand ? On fera "The Same Deep Water As You" dans un prochain concert mais maintenant Roberto, après quelques concerts, se sent bien, on pourra apprendre d'autres chansons qu'on n'a jamais faites auparavant comme "The Upstairs Room" qui correspondent plus à son style de basse, ainsi on aura tous à apprendre des nouvelles chansons. Je pense que cela améliorera le moral du groupe, améliorera l'atmosphère d'un cran si tout le monde pense à ce qu'il fait. C'est bien pour finir la tournée positivement plutôt que chacun ne pense "Oh non, laissons nous aller jusqu'à la fin de la tournée", parce que de toute façon, on va y arriver et autant le faire en s'amusant et faire des trucs étranges. C'est une façon positive de regarder ce qui est arrivé parce que si Simon était resté et continuait à lutter tous les soirs pour finir, on n'aurait pas fait de nouvelles chansons, on aurait essayé de finir la tournée, en espérant que Simon ne craquerait pas. Et puis c'est plus sympa pour Roberto qui a appris toutes ces chansons en une journée que Teddy apprenne la ligne de claviers de "The Same Deep" et que je me rappelle les paroles, c'est le moins que l'on puisse faire...
 
Aujourd'hui, la musique de The Cure est variée et vous êtes toujours perçus comme un groupe triste.
Les médias le feront toujours, peut importe ce que je fais. Je pourrais porter un chapeau de clown et un nez rouge, ils penseraient encore que nous sommes un groupe gothique. Cela n'a pas d'importance, c'est une critique de base facile. C'est une vision très simpliste du groupe qui existera toujours. J'ai toujours considéré que l'attitude du NME envers nous est très facile à casser parce qu'en fait, ils n'ont jamais été sûrs de savoir pourquoi les gens nous aimaient ou aimaient ce que nous faisions. Il y a des choses sur le groupe, et en particulier sur moi, mon personnage public que je pourrais trouver moi-même énervant. Bien sûr j'ai dit ou fait des choses très embarrassantes mais pas plus que d'autres... C'est le genre d'attitude des médias envers le groupe et moi-même, mais je pense que beaucoup est dirigé contre moi. Je ne pense pas que cela attaque le groupe. Beaucoup de gens qui critiquent The Cure ne se sont même pas souciés d'écouter The Cure. Ils me regardent ou regardent une photo ou lisent quelque chose que j'ai dit et décident que je suis un idiot et ils disent "Ah The Cure ce groupe lugubre"... en fait cela me fait rire... ...Ils se reposent à 75 % sur ce qu'ils ont lu sur le groupe et ils le recyclent avec quelques nouvelles citations ou quelques informations à propos d'un concert mais plutôt que m'énerver, ca me fait rire, ils sont si pompeux.... enfin ce n'est pas le bon mot, ils sont trop nuls.

Mais cela doit te faire chier que les gens propagent des infos fausses sur toi car les gens ont une mauvaise image de vous...
Je suppose mais je pense qu'avec la télévision en particulier... Ayant atteint un niveau où j'ai accès aux interviews TV, je pourrais en faire plus, je pourrais en faire tout le temps, mais bon, lorsque j'en fais, si les gens le voient. C'est la seule façon que les gens ont d'avoir un portrait exact de moi quand ils me voient à la télévision, quand ils me voient parler. Au moins, si je dis quelque chose de stupide dans une interview TV, c'est moi qui me plante et pas quelqu'un d'autre, faire une interview pour la presse, c'est comme faire une TV derrière un écran avec quelqu'un devant. On peut faire parler ou montrer quelqu'un comme on veut... je me sens désolé pour les gens qui n'ont pas cette possibilité parce que les médias écrits ont beaucoup plus de pouvoir, mais de toute façon, une fois que tu as atteint un certain niveau cela n'a aucune importance si tu es critiqué... enfin moi, ça ne me dérange pas. Et cette image de groupe gothique ! Mais c'était si je ne pouvais pas faire de TV. Si j'avais refusé d'en faire, les gens auraient pu le croire. J'arrive même pas à me souvenir comme je suis supposé avoir généré cela. Peut être lors de mon bref passage chez les Banshees où je portais un crucifix...

Est-ce que tu n'as pas le sentiment quelquefois de tourner en rond aujourd'hui ? Est-ce que tu essaies à chaque fois de faire quelque chose d'autre ?
J'ai ressenti pour la première fois cette année que nous étions soumis à exactement la même routine qu'à l'époque du Prayer Tour et Disintegration et c'est pour cela que je sais que je ne le referai plus, parce qu'il y a d'autres choses que je veux faire. Quand on faisait Wish, quoi que je dise je ne l'aurais pas fait autrement parce que faire un album et ce qui suit est le meilleur ou un des meilleurs moments quand tu es dans un groupe. Mais il y a tellement d'autres choses. Ça a été très intéressant. Mais je ne voulais pas tourner avec cet album. J'étais vraiment la seule voix au Manoir avant Noël, et j'ai vraiment essayé que l'on ne parte pas en tournée alors que les autres voulaient y aller. C'est marrant car à la fin, c'est moi que l'on blâme parce que c'est trop long. Une fois la décision prise, une décision démocratique, que l'on allait partir en tournée, j'étais plus qu'heureux et j'ai essayé d'en profiter et j'en ai profité plus parce qu'une fois ici, je savais que je n'avais rien préparé et beaucoup de pression n'était plus sur moi.
Je sais ce que tu veux dire. On va toujours aux mêmes endroits. On a essayé de faire quelque chose d'autre, en allant à Mexico et en Australie, en introduisant des trucs qu'on n'avait pas faits auparavant.

Est-ce que tu as le même sentiment lorsque tu écris de la musique ?
Non. Je pense que ce serait difficile. Après Disintegration, j'ai cru qu'il serait difficile d'écrire, je pensais que ce serait le dernier album. D'une certaine manière cela le fut parce que ça a pris deux ans et demi pour arriver au point où on fut heureux d'enregistrer un autre album. Ce qui est difficile, c'est quand tu cherches et que tu ne trouves pas ce que tu veux ou que cela ne l'est qu'à moitié et tu n'y arrives pas complètement et tu ne comprends pas pourquoi et cela n'avait jamais été le cas. Les chansons de Wish ne sont pas toutes venues de moi. "High" était une démo de Simon, "Trust" une de Teddy et "Apart", une de Boris ; il y avait quelque chose d'autre en dehors de ce que je faisais donc ce ne fut pas difficile. Quoique je fasse, je n'arrêterais pas de jouer. J'écrirai toujours pour moi et j'enregistrerai, ce n'est pas une raison pour ne pas avoir une pièce pour faire de la musique à la maison...


L'année prochaine, la nature du groupe va changer. Il y a des gens dans le groupe qui n'y seront plus l'année prochaine si le groupe existe encore d'ailleurs, ce ne sera pas avec les mêmes gens, donc, les choses vont changer. L'année prochaine, nous avons décidé entre nous que ce serait une année sabbatique. ...Et je pense que c'est très bien. Ce serait triste si nous avions été égoïstes, s'il n'y avait aucun courage dans le groupe pour décider d'essayer quelque chose d'autre. Ce serait atroce si on se retrouvait ensemble et que l'on se disait : "Que faisons nous maintenant ? ...Faisons un nouvel album..." Quelles autres options avons-nous ? Que pouvons-nous faire d'autre ? C'est beaucoup plus sain de se dire que c'est bien d'arrêter de travailler et cette façon de vivre et de décider de faire autre chose ; à la fin de l'année, on verra qui veut partir. On ne continuera pas sans le faire parce que je ne le veux pas et ce serait impossible pour eux de le faire sans moi.
Lorsque j'ai dit ça pendant le Prayer Tour, cela venait vraiment d'une réelle colère et pas cette fois. Je veux simplement essayer de faire quelque chose d'autre, voir si je suis capable de faire quelque chose d'autre. Je pense que c'est l'instinct naturel. Je sais que je peux le faire, si je ne le fais pas, je vais crever. Je ne veux pas vraiment...
...Le groupe a été tout pour moi depuis que j'ai quitté l'école, je n'ai jamais fait autre chose. J'ai lu beaucoup de livres mais je n'ai jamais essayé de faire quelque chose d'autre. C'est vraiment tragique. Enfin non, parce que ce que j'ai fait est...

Mais si tu aimes ce que tu fais...
Oui. Quoi que je fasse, je n'ai pas vraiment à m'arrêter car la partie que j'aime le mieux c'est quand je suis assis à la maison et que j'écris simplement un morceau de musique ce que je n'arrêterais jamais de faire. Je ne pourrais jamais. Jamais, même si je n'enregistre pas... J'aimerais vraiment faire un autre album, j'aimerais beaucoup que le groupe finisse l'album "Music for Dreams". Je pense que ce serait bien mais je n'attends pas que les autres me suivent. Je suis sûr que Teddy en serait heureux, parce qu'il commence.
Il est temps qu'on prenne une année sabbatique parce qu'on pourrait simplement continuer l'année prochaine, reprendre au point où on s'arrête maintenant, il y a des gens comme Bill (Chris Pary-NDLR) qui nous disent "Vous êtes au sommet, vous vendez de plus en plus de disques, vous devez jouer devant plus de gens, vous ne pouvez que devenir meilleurs et plus grands... mais c'est toujours sur les mêmes fondements, "tu peux gagner plein d'argent...".

Maintenant que tu as eu du succès, tu n'as plus rien à prouver...
Je ne pense pas avoir eu jamais quelque chose à prouver. J'aurais été très heureux d'arrêter à n'importe quel moment... sauf peut être Three Imaginary Boys, J'aurais été dégoûté si cela avait été mon seul témoignage à la musique mais après Seventeen Seconds, si cela avait été le seul album que j'eusse été capable de faire, je penserais :"Ok, j'ai fait l'album Seventeen Seconds". J'aurais été heureux rien que d'avoir fait cela. Ce n'est pas prouver quelque chose à quelqu'un d'autre, c'est le prouver à moi-même et j'ai atteint le point ou je n'ai plus besoin de me prouver que je peux faire telle chose et le faire bien. Cela semble un peu complaisant, un peu grosse tête mais je pense particulièrement depuis Kiss MeDisintegration et Wish, ces trois albums mis ensemble sont vraiment de bons albums.
...Je pense également qu'être dans la position où nous sommes, après tout ce temps, avoir encore cette crédibilité, à des degrés variés dans de nombreux pays et ne pas encore être considéré comme un vieux groupe. C'est très bien. On n'aurait pas pu rêver atteindre cela, cela compte autant que la musique , la façon dont on est perçu lorsque j'y pense, mais je pense qu'on est en danger de perdre ce côté du groupe si on continuait, ce serait, partout où on va, c'est toujours la même chose "Oh s'il vous plaît, n'arrêtez pas, revenez" mais il arrivera un moment où tu dois être égoïste. On doit être égoïste parce que je ne veux pas passer l'année prochaine à écrire des chansons pour un nouvel album puis enchaîner sur l'enregistrement et encore une année et j'aurai 35 ou 36 ans et ce sera 1995 et on fera encore une tournée. Cela me déprime de penser que je pourrais laisser faire ca.

Alors est-ce le split final ?
Que veux tu dire par split?... Cette formation, avec ou sans Roberto, avec ou sans Simon, ne jouera plus ensemble. Dans ce sens, le groupe va spliter mais à l'amiable, ce qui est souvent utilisé à tord mais qui dans ce cas est vrai. Entre nous, nous avons discuté des raisons qui nous motivent et ce que nous voudrions faire plus tard et il y avait des divergences. Il y a dans le groupe des ambitions qui vont hors de la musique dont la mienne. Je ne suis pas la raison principale pour laquelle le groupe va ou non spliter. Mais je sais que je n'arrêterai pas de jouer de la musique , on doit garantir qu'il y aura un autre album de The Cure mais ce ne sera pas avec cette formation. Cela ne poursuivra pas la progression évidente de Kiss MeDisintegration et Wish. Ce sera quelque chose de complètement différent et ce sera probablement haï à 90 % par nos fans, donc on ne pourra pas faire de tournée parce que personne ne viendrai nous voir... On serait assis en cercle sur un tapis à jouer du sitar et des guitares acoustiques. On pourrait louer les loges pendant que les autres sont sur scène.


 

Depuis 1987, tu dis toujours ça à la fin des tournées, que ce sera la dernière... Qu'est ce que tu vas dire à la fin de celle là?
Je pense qu'avant, les principales raisons pour lesquelles j'étais si déprimé et pourquoi je disais que je ne le referais plus, c'était parce que je détestais ce qui m'arrivait en tournée : boire vraiment trop, prendre des drogues et j'étais vraiment dépressif. D'habitude, c'est parce qu'il se passe quelque chose dans le groupe ou avec un des membres ou plusieurs, rendant l'atmosphère tellement mauvaise que je pensais que cela ne valait plus la peine mais cette année la manière dont cela se passe, je n'ai pas pris de drogues, je n'ai pas trop bu et il n'y a personne dans le groupe qui a pourri l'atmosphère ; mais lorsqu'on arrivera à Dublin, on sera tous aussi copains qu'au début de la tournée. Je peux le garantir car tout le monde sait que mes raisons pour ne pas vouloir partir en tournée de nouveau ne sont pas fondées sur la frustration ou la colère ou la dépression, c'est simplement que je veux essayer de faire autre chose. Et si je laissais The Cure continuer sous cette présente forme, cela signifierait que les trois prochaines années sont planifiées pour moi. C'est devenu tellement important, je ne veux pas savoir ce que je vais faire dans trois ans, ce serait trop déprimant, cela me mettrait en colère et ce serait frustrant. Cela mijote dans ma tête et je sais que je ne ferais plus ca mais pas pour les mêmes raisons, ce sont des raisons complètement différentes.
Arrivé au même moment pendant le Prayer Tour, j'étais hystérique, je m'arrachais les cheveux à la fin de la tournée. Là, je me sens un peu malheureux de ce qui est arrivé à Simon.
Et puis, c'est la première fois que je réalise que je vieillis. Il y a des façons de jouer sur scène qui n'ont aucun rapport avec ton âge, tu peux tout mettre et être même meilleur, mais il y a d'autres choses qui ne peuvent marcher que quand tu es jeune. Ce qui ne va pas avec la plupart des groupes qui essayent de continuer, c'est que malgré leur âge, ils essayent de prétendre qu'ils sont encore jeunes et cela devient vraiment embarrassant. Je dois prendre conscience que dans trois ans, si nous sommes en tournée, je me sentirais vraiment mal à essayer de faire croire que je suis le même que lorsqu'on faisait le Prayer Tour ou même maintenant. Je ne me sentirais pas à l'aise. Nous sommes en position de choisir ce que nous pouvons faire, on n'a pas à se soucier d'aller travailler ou non, alors que je suppose qu'un bon nombre de groupes continuent parce qu'ils ne sont pas assez honnêtes pour se dire "on ne le fait pas seulement parce que cela nous plaît mais parce qu'on ne sait pas faire autre chose". Et c'est cela que je ne veux pas que l'on fasse. Je ne veux pas que The Cure continue parce qu'on est bons dans ce que nous faisons mais que nous n'osons pas essayer de faire autre chose, que ce soit individuellement ou en groupe. Mais à nouveau, je pense que c'est positif parce que tout le monde dans le groupe réalise qu'ils ont le choix, on n'est pas atteint mentalement. Lorsque Bill nous dit : "Vous êtes à votre top, vous ne pouvez que monter", tout le monde lui répond : "Vas te faire voir!" Tout cela est très positif. Je n'ai aucun mauvais feeling au sujet du groupe qui arrêterait de faire des tournées sauf celui que Mary a, qui est, il y a un côté qui est très bien, c'est comme être en colo pour quelques semaines, avec des gens que tu aimes, tous les bons côtés des tournées, c'est comme ça, ce n'est pas comme quand tu es seul, tu n'as à te soucier de rien, il y a des gens qui s'occupent de toi tout le temps, qui s'occupent que tu sois où tu dois aller, en particulier moi... 


AU RYTHME DU SWING TOUR (1996)

La tournée mondiale touchait à sa fin. Une impression de sérénité régnait dans les coulisses. A plusieurs reprises lors de la tournée européenne, Robert a pris le temps de nous confier ses pensées et son état d'esprit dans les moments clés du Swing Tour. TIB a pris le pouls du chanteur de The Cure au Bataclan, à Kiel et à Birmingham.
Robert analyse les grandes mutations entre les concerts de cette année et ceux du Wish. Les propos sont lucides et il évoque les raisons du succès de cette année.
Retour sur les états d'âmes d'une tournée.


J'ai beaucoup changé depuis le Wish Tour. De beaucoup de façons. J'ai trouvé très difficile de donner un sens à certaines choses que j'ai faites. J'ai fait des choses en public que je trouve assez étranges. Mais bon, j''aime toujours ça.

Je pense que certains des concerts de cette tournée ont été parmi les meilleurs concerts que j'ai jamais faits. Et je pense que les bonnes réactions tendent à le prouver. Une des très bonnes choses d'avoir Roger de nouveau dans le groupe, c'est qu'on peut maintenant jouer des titres comme "Prayers For Rain" Et le faire correctement et faire que cela sonne bien. Cela a apporté un plus au groupe qui je pense manquait pendant le Wish Tour. Le Wish Tour fut très bon mais est un peu resté statique, il n'a pas évolué. Les premiers concerts furent presque identiques aux deux derniers alors que dans cette tournée, c'est un concert complètement différent, un son complètement différent, une mentalité différente, presque un groupe différent que lors des premiers concerts.

La plus grande différence, c'est mon approche psychologique de la tournée, très différente de celle du Wish Tour. Le Wish Tour, c'était plus comme un show. Le show tout entier était à dessein. Je ne me faisais pas plaisir parce que c'était un grand show alors que là, c'est plutôt un retour vers l'idée que j'avais d'être la personne la plus importante sur scène, et non pas le public. C'est un peu un retour vers des temps égoïstes. Mais c'est étrange parce que je pense que cela fonctionne mieux. On joue simplement ce que je veux et on fait ce que je veux, et le public semble de toute manière préférer ça. Pendant le Prayer Tour, on essayait de construire un spectacle et c'était... En fait ce n'était qu'un pas dans la foulée de Disintegration. C'était une suite logique de devenir plus gros. Retourner aux Etats-Unis et faire le Rosebowl, la plus grande salle des Etats-Unis, le Texas Stadium, ça n'a aucun sens. Cette fois, on ne pouvait pas. Et assez bizarrement, cela m'a fait plaisir de ne plus être aussi populaire. Parce si on nous avait donné le choix de jouer dans un stade, on aurait probablement dit "ok, juste un", tu sais... Et c'est vraiment bien qu'on ne fasse plus de stade. "
Je pense que c'était bien de voir que tout fonctionnait bien sur scène. Cela n'a rien à voir avec 1992 on avait l'impression que chacun jouait pour lui-même alors que cette année c'est plus comme un groupe qui joue ensemble.
Oui. Il y a vraiment une communication sur scène et c'est la première fois que ça arrive depuis dix ans, que je puisse parler à tout le monde sur scène. Je me ballade et je leur parle. Et avant, je ne me sentais pas à l'aise. J'ai toujours parlé à Simon mais si jamais j'avais essayé de parler à Porl, c'était comme si quelque chose n'allait pas, je ne devais lui parler que si quelque chose n'allait pas. Et j'avais un peu créé cela. C'était les seuls échanges qu'on avait sur scène "Bordel qu'est-ce qui se passe!!!" Alors que cette fois, on a quelqu'un qui sourit et, c'est sympa quelqu'un qui te sourit.

Je pense aussi que l'équilibre est atteint sur scène également. Et c'est la différence. C'est comme l'introduction de nouvelles chansons. Je pense que cela donne une idée de ce que le groupe est et ce qui fait le groupe. Et même dans les très rares occasions où l'on a fait des chansons comme "The Figurehead" ou "The Drowning Man", la façon dont le public a réagi, cela donne un sens à la raison d'être du groupe, pas l'histoire du groupe, pas en tant que groupe. Cela me rappelle aussi pourquoi je prends plaisir à le faire. Alors que pendant le Wish Tour, on considérait que c'était pendant les chansons évidentes ou les chansons de Wish et c'est tout. Alors que pendant cette tournée, il y a eu des soirs où l'on n'a joué que sept chansons de Wild Mood Swings ce qui est assez inhabituel par rapport au passé. Je pense que l'accent était mis sur la promotion de l'album et du groupe alors que cette fois c'était un peu "merde, personne n'aime de toute façon alors autant se faire plaisir" Donc d'une certaine manière, le manque de public a vraiment tourné à notre avantage parce que tu dois faire avec. Ça ne m'a pas autant touché que certains des autres. Ils étaient un peu "ouais, personne ne nous aime" mais il y a une façon de s'en accommoder. J'ai essayé d'introduire dans l'esprit du groupe que les gens qui étaient là étaient ceux qui comptaient, donc que si c'était bien pour eux, cela n'avait aucune importance vis à vis de ceux qui n'étaient pas là. Qu'ils le croient ou non, je ne sais pas. Tu dois faire sentir et dire "Vous auriez dû être là, c'était vraiment bien", c'est de cette manière que tu récupères les gens qui ne se sont pas souciés de venir. 

Cette tournée, je n'arrive pas à croire que c'est terminé en fait. Ça a été tellement vite pour la première fois.

Donc tu as aimé ? 
Oui. J'ai virtuellement tout apprécié cette fois ; à part une ou deux occasions où j'étais malade. Mais dans les deux domaines où cela compte pour une tournée, le domaine du voyage, ça ne me plaira jamais, c'est chiant et les hôtels peuvent être vraiment fabuleux, c'est nul quand même, vraiment pénible de vivre dans un sac et particulièrement maintenant que j'ai une maison sympa, que je suis en quelque sorte plus stabilisé que je n'ai jamais été... Avoir à se lever jour après jour pour aller autre part, toujours différent. Mais l'ambiance dans le groupe est cent fois meilleure qu'elle n'a jamais été dans une tournée. Il n'y a eu qu'une seule vraie dispute sur la tournée.

Entre ? 
Simon et moi. C'était sérieux, on s'est battu, c'était super. La première fois depuis des années. Mais c'est tout. Immédiatement après, toute la tension est partie, c'était une convention au début de la tournée comme il y en a toujours. Mais l'autre chose, la plus importante, c'est la manière dont les shows se sont déroulés, certainement quelques uns des meilleurs qu'on n'ait jamais faits en tant que groupe. Et je pense que le set standard a été de très haute qualité, a été véritablement très fort. Au moins sur cette tournée, on a fait des chansons différentes et cela a vraiment fait la différence, juste aller sur scène et jouer les vieilles chansons et ne pas être sûr que cela fonctionne, c'est vraiment bien, c'est un sentiment vraiment agréable.
On aurait dû faire "Six Different Ways", je pense que ç'aurait été marrant. Comme lorsqu'on a fait "The Same Deep Water As You" pour la première fois à Manchester. On aurait dû faire au moins une nouvelle chanson ce soir mais je pense qu'on n'y arrivera pas. Mais ça n'a pas d'importance, on a presque fait tout ce que je voulais faire. Je crois qu'on voulait en faire 75 au début. J'ai une liste de 75 chansons dans mon sac et je pense qu'on a dû en faire à peu près 70. Non ?(67 en fait-NDLR) Enfin quelque chose comme ça... sur toute la tournée. La seule qu'on n'a pas faite et que je voulais vraiment faire est "All Cats Are Grey", on ne l'a pas fait ce qui est dommage. Je voulais faire "Pornography" aussi à un moment mais...
 

"J'ai détesté le Bataclan" 


J'ai détesté le Bataclan. C'est en fait le pire concert. Bien pire que Stuttgart!!!
J'ai d'abord trouvé qu'il faisait beaucoup trop chaud. On n'avait aucun ventilateur sur scène. J'avais demandé des ventilateurs et il n'y avait aucun ventilateur dans tout le bâtiment!!! C'est incroyable. Même si j'avais eu 21 ans, j'aurai eu besoin d'un ventilo. Il faisait tellement chaud que j'ai cru que j'allais en crevé et j'ai manqué d'eau sur scène parce qu'ils avaient oublié de m'en donner. Ce sont des détails mais lorsque tu as cinq secondes pour boire et qu'il n'y a rien... Cela m'a vraiment mis en colère. Non, pour moi, ça n'a pas fonctionné. J'ai simplement haï chaque seconde de la minute où ça a commencé jusqu'à la minute ou ça s'est terminé. Il y avait une drôle d'ambiance lorsqu'on est retourné à l'hôtel.

Tous les fans ont aimé...  
T'en es sûr? Je crois que c'est un peu de la nostalgie, ou un truc du style "j'y étais"...

Non je pense qu'ils ont aimé parce que vous avez joué des titres peu ordinaires.  
Oui, je pense que c'est ce qui a fait la différence mais en tant que concert, c'était nul.

Tu le penses vraiment? 
Oui. Si tu compares ça et Bercy, je pense que Bercy fut infiniment meilleur. J'étais furieux le lendemain parce que Bill a appelé pour dire "Oh, les gens ont dit que c'était le meilleur concert que vous ayez fait en France depuis dix ans" J'ai pensé "Quelles conneries!!!"

Ce n'est pas la même chose. Tu ne peux pas comparer Bercy et Bataclan.  
Je pense que faire "The Funeral Party" fut excellent. Mais même "Subway Song" fut ratée parce qu'ils m'ont donné un mauvais harmonica, ce n'était pas la bonne note.

Personne n'a remarqué!  
Moi si. Cela devait être si bémol et ils m'ont donné un si en me disant "ne souffle pas aussi fort et ça sera pareil!!!" Et aussi, il y a eu tellement de choses qui se sont passées ce jour là qui ont fait que je n'ai pas pu apprécier comme j'aurais dû. Ce fut un peu trop... la traversée de Paris... Lorsqu'on est remonté sur scène, ma tête tournait mais si j'avais bu une bière pendant les deux heures précédentes, j'aurais pu entrer dans l'ambiance et j'aurais apprécié le concert mais je ne me suis pas senti comme faisant partie du show.

Tu étais stressé ?  
Non, je ne me suis pas senti dans l'ambiance du tout. Si cela avait été le style de concert où on avait été dans le dressing room pendant une heure avant, tout le monde aurait été excité, ç'aurait été vraiment bien mais on est juste arrivé comme tu sais et on est monté sur scène, c'était pas si marrant que ça. Je ne sais pas si les autres ont aimé, je ne pense pas que Simon ait aimé. Ils ont dit que la raison pour laquelle ce n'était pas terrible, c'est que c'était trop long. Parce que j'avais trop insisté pour jouer deux titres de chaque album et que l'on aurait dû faire seulement un titre de chaque album.

C'est pour cela que vous avez enlevé "Never Enough"?  
Oui. Je vois l'idée mais si on avait fait qu'une chanson de chaque album, cela n'aurait fait qu'un set de treize chansons!

"En France, le public est véritablement très bon" 

Le fait d'avoir moins de public cette fois-ci comparé au Wish Tour t'a-t-il affecté?  
Sur toute la tournée ? Non. Aux Etats- Unis, je ne l'ai pas vraiment remarqué. Je suppose parce que c'est en général un plus vaste public. A part Orléans et Kiel qui ont été ridiculement faibles avec des publics d'environ 1500 personnes, 1100 à Kiel, je crois, et 1500 ou 1600 à Orléans, ce qui est assez sombre. Si on avait fait Aberdeen, on aurait tourné autour de 1100, ça aurait été horrible. Je crois que n'importe quoi en dessous des 2000, c'est "On ne peut même pas jouer devant 2000 personnes"!!! Mais en même temps, cela ne m'a pas touché de la manière dont j'avais peur, parce que j'ai tellement apprécié les concerts que je pense "si on avait eu plus de personnes ici, cela aurait été plus bruyant mais ça n'aurait pas été meilleur" Et au moins, tu sais que les gens qui sont aux concerts sont vraiment ceux qui veulent nous voir jouer. Ils ne sont pas là juste parce que... Je pense que par le passé, c'était plus du style "Oh, allons y, on verra à quoi ils ressemblent, allons y au hasard" Et la moitié du public achète des billets et on doit les impressionner. Alors que cette fois, je ne pense pas que quiconque ait fait ça. Il n'y avait pas une seule personne dans le public qui ait acheté un billet et attendait de voir ce qu'on donnait. Je pense que tous les gens présents savaient qu'ils aimaient le groupe. En Europe, probablement plus qu'au Royaume Uni, le public est très bon. L'Espagne, l'Italie, c'était du fanatisme... Et en France le public est véritablement très bon. L'Allemagne, c'était plus bizarre et c'est toujours bizarre en Angleterre. Wembley fut un très bon concert et Manchester fut très bon. Je n'ai pas aimé Sheffield. J'ai trouvé ça terrible.

Comment expliques tu cette désaffection du public, est-ce parce que vous avez disparu pendant quatre ans ?  
Oui, je crois que nous avons manqué toute une génération d'étudiants (rires) en disparaissant pendant quatre ans. Il y a un fort pourcentage de gens qui vont au concert qui a cet âge. Ce que je veux dire, c'est que les gens de mon âge ne vont plus vraiment en concert, donc on doit rajeunir notre public ; je pense que cela a fait une plus forte différence que je ne l'avais imaginé. Mais je pense que nous sommes probablement aussi plus "hors mode" actuellement que nous ne l'avons jamais été. C'est simplement ça. C'est mon look je suppose. Nous sommes vraiment à côté de tout ce qui est à la mode.
 
Je pense que c'est un truc médiatique aussi, ne pas être dans les médias dans le sens où les gens savent qui nous sommes. Et c'est plus difficile de faire un album. Je pense que si Wild Mood Swings était sorti deux ans après Wish, il serait devenu numéro 1 dans les charts. Parce que ça aurait été le même public. Mais je pense qu'après quatre ans, les gens oublient et ils passent à autre chose. Et puis la génération suivante ne sait pas que The Cure est bon parce que tout le monde dans les journaux dit qu'on est de la merde. Et on n'a pas de hit single. Et généralement, on ne passe pas à la radio ou à la TV. C'est très difficile. Je soupçonne qu'après cette tournée, si on devait sortir quelque chose l'année prochaine, cela marcherait mieux que Wild Mood Swings peu importe ce que ce serait. Mais il n'y a aucune raison de faire cela. Je ne m'inquiète jamais tu sais. Ce que je veux dire, c'est que c'est la première fois que je dois considérer que notre public diminue, c'est un truc nouveau pour moi, mais je me souviens une époque où jouer devant 1100 personnes était un putain de rêve alors... Si je suspectais que personne ne veuille plus qu'on joue, que plus personne ne veuille qu'on fasse quelque chose, je n'essaierais pas d'insister. Non. Je ne persisterais pas.

J'aurais préféré que l'on fasse les dates anglaises dans des théâtres, j'ai imploré pour qu'on les fasse dans des théâtres. Ç'aurait été vraiment excellent de jouer l'Albert Hall ou le Manchester Apollo par exemple. Ce sont de vraiment bonnes salles pour jouer et c'était à peu près ce qui pouvait nous convenir. Mais les promoteurs ont dit : "Non, non, non, ça sera Ok, on fera beaucoup de pub" et ça n'a pas marché, tu sais, ça n'a pas d'importance, tu peux mettre autant d'affiches que tu veux, si les gens ne veulent pas aller aux concerts, ils n'iront pas. C'est un peu une erreur. C'est un peu la honte de vendre si peu, enfin je pense que ce soir, ce sera bien mais on est un peu en perte de vitesse en Angleterre. On aurait dû terminer à Rome ou ailleurs
 

"J'enregistrerai l'année prochaine" 

Avec les derniers concerts, Robert a pu faire le point sur cette année qui a concentré tous les aspects du travail de groupe. Il semble posé lorsqu'il parle de l'avenir, plus sceptique sur ses envies de refaire des concerts bien que ceux-ci se soient bien déroulés. En revanche, aucune ambiguïté sur son désir de continuer.

Et l'année prochaine?  
J'enregistrerai l'année prochaine.

Tu ne vas pas attendre quatre ans pour tourner de nouveau?  
Je ne sais pas si je veux encore tourner, à vrai dire. Honnêtement, j'ai pensé que tous ces concerts étaient les derniers, et c'est une des raisons pour lesquelles je les ai tant aimés.

Tu dis ça à chaque fois!  
Mais ce devra être vrai un jour. Je sais qu'on ne fera plus jamais de tournées comme celle-ci, voyager en bus, faire une centaine de concerts parce que je n'ai pas la capacité mentale de le faire. Non, je ne l'ai pas

Alors faites une tournée de festivals...  
Oui, mais ce n'est pas aussi bien de faire des festivals. Ce serait possible de le faire, une petite tournée de juste les grandes villes mais ça coûterait une fortune, on devrait avoir un sponsor et je ne veux pas faire de concerts sponsorisés donc, c'est difficile. Ce serait comme faire une tournée pour le plaisir de jouer live. En fait, c'est ce qui s'est passé avec ce tour qui a commencé à juste vouloir faire les grandes villes et lorsqu'on en est arrivé au prix que cela coûterait si on voulait avoir une scène à nous, on perdait des centaines de pounds et on a dû faire une tournée plus longue. C'est une de ces choses ridicules, on doit jouer un certain nombre de concerts par semaine si on a une grosse production mais évidemment on pourrait jouer dans des clubs et ça ne coûterait rien.

On dit que vous devez toujours un album à Polydor. 
Et bien, si on fait un nouvel album, il doit sortir chez Polydor. Cela ne veut pas dire qu'on doit faire un nouvel album. Ce sont deux choses différentes. Je pourrais faire un album. Je pourrais faire un album solo qui compterait comme un album de The Cure aussi. Juste pour me débarrasser du contrat. Et alors, je pourrais renégocier un nouveau contrat pour un Greatest hits et faire beaucoup d'argent. Super!!!
Je ne sais pas ce que je veux faire, vraiment. En fait, je n'ai pas encore commencé à trop y réfléchir. Il y a simplement ce truc à propos de l'Afrique du Sud dont on parlait l'autre nuit, parce qu'on connaît une fille qui est une princesse zulu et qui en fait est venue de là-bas jusqu'à Copenhague, là où on a annulé. Elle était un peu énervée. Et elle a dit qu'elle voudrait organiser un concert en Afrique du Sud. Mais je ne sais pas. Je sais que tous les autres veulent... Si je dis oui, on ira au Japon, en Australie, en Amérique du Sud, en Afrique du Sud, en mars et avril. C'est seulement moi qui retiens les choses parce que je n'ai pas trop envie d'y aller pour le moment. Mais je suis le seul qui a un foyer avec Simon.

 "Je veux simplement m'arrêter là......et faire quelque chose de complètement différent"

Vous allez faire un nouvel album? 
Oui. Je devrais plutôt faire cela. Mais je ne sais pas comment on va le faire!!! Parce que ce que je veux faire ne ressemble en rien à ce qu'on a fait auparavant.

Est-ce qu'il y a des terrains que vous voudriez expérimenter? 
Oui. Je peux le projeter dans ma tête et je peux entendre ce que je veux faire. Enfin, ce n'est jamais aussi clair mais cela prend forme. Mais cela ne sonne pas comme ce qu'on a déjà fait.

C'est entre quoi et quoi? 
Je ne sais pas ce que sont mes références parce que je voudrais employer un quatuor à cordes à nouveau car j'aime vraiment bien le son. Mais je veux utiliser un quatuor d'une manière où on pourrait vivre ensemble pendant à peu près un mois pour arriver à le faire sonner de la façon dont je le veux, me servir du quatuor comme un instrument, plus que comme un quatuor. Mais je voudrais que les choses soient très rythmées, employer une combinaison d'instruments qu'un groupe n'utiliserait pas.
Je ne veux pas faire un autre album pop en fait ou un autre album qui serait basé autour basse-batterie-guitare et claviers, parce que ça sonnerait comme Wild Mood Swings. "Numb" serait probablement là chose qui y ressemble le plus mais juste dans la direction globale ; ce serait beaucoup plus dur, pas aussi traditionnel. Mais ce serait quand même mélodique, toujours écoutable. Je ne veux pas faire de la musique que personne n'apprécie. Mais j'aime simplement l'idée d'employer des combinaisons de sons que je n'ai jamais utilisées auparavant. 

Et l'album de dance? 
Et bien, cela incorporerait de la dance. Lorsque j'ai parlé d'un album de dance, cela ne voulait pas dire un album de jungle. Ou un album de club. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a dance et dance. Le tango c'est aussi de la dance mais ce n'est pas ce genre. L'accordéon est un autre instrument que j'aime vraiment. Je pense que ce serait des superbes sonorités. Comment s'appelle ce groupe français qui l'emploie ? Les Négresses Vertes, ils utilisent un accordéon sur certaines de leurs chansons. Lorsque j'entends ça, je pense que j'aime l'accordéon et je ne l'ai utilisé qu'une fois dans notre prétendue chanson française, tu sais "How Beautiful You Are" Mais ce n'était pas un vrai. Mais j'aimerais travailler avec quelqu'un qui peut jouer de l'accordéon, ce serait vraiment bien, écrire une chanson pour un accordéon et moi qui chante, avec un bon rythme... Le problème c'est que quand je commence à écrire des paroles, si je chante, cela va sonner comme du The Cure. Si je ne chante pas dessus, ce ne sonnera pas comme du The Cure et ça n'aura aucune importance. Tout ce que je dois décider, c'est si je veux chanter sur l'album ou si quelqu'un d'autre va chanter dessus ou si je ne veux que personne ne chante sur l'album. C'est mon seul dilemme.

Je n'arrive pas à imaginer quelqu'un d'autre chanter!!! 
Je ne peux pas imaginer un garçon chanter... Ou peut-être vais-je chanter avec quelqu'un, peut-être avec une personne différente sur chacune des chansons, avoir des invités pour chanter. N'importe quoi, juste quelque chose de différent. Je veux juste ne pas refaire le même disque à nouveau. Je pensais que Wild Mood Swings, était dans la continuité de Wish, qu'ils fonctionnaient bien ensemble. Il y a plein de similarités entre les deux et je pense que Wild Mood Swings poursuivait là où Wish s'était arrêté. Je veux simplement m'arrêter là et faire quelque chose de complètement différent ce qui est un peu étrange parce que ce sera la seule fois où le groupe va rester le même. Parce qu'autant que je sache, personne ne part, à moins qu'ils ne m'aient rien dit. Alors que pour les autres tournées, il y avait tout le temps quelqu'un qui quittait le groupe. Ce serait donc marrant d'utiliser les mêmes personnes mais je pense que si on ajoute des personnes venues d'ailleurs pour jouer ça changerait la dynamique interne. Mais je pense qu'on devrait faire quelque chose l'année prochaine ou alors plus jamais, car ce sera trop tard. Je pense que si je retourne à la maison, et que je m'assois devant le feu, je ne me lèverai plus jamais. Ce ne serait pas forcement quelque chose de mauvais... Mais je pourrais le faire à la maison. Oui, je pourrais enregistrer à la maison cette fois. 

"Je ne me suis jamais senti aussi heureux à la fin d'une tournée"

Ça va être le 20ème anniversaire l'année prochaine!!!
Oui. En fait cela fait 20 ans ce soir que je suis monté sur scène pour la première fois, à mon école. En fait, le vingtième anniversaire du groupe, c'est un truc de marketing. Ça n'arrivera pas l'année prochaine. Parce que lorsque ça va arriver, ce sera comme la fin. Ce ne sera pas avant 1999 je pense. Parce que le premier album, Three Imaginary Boys, est sorti en 1979. Donc pour Polydor ou Fiction, ils préféreront célébrer les 20 ans avec la sortie du premier album. Ils sortiront tous les albums et feront plein d'argent. Cela ne veut rien dire pour personne sauf pour moi le fait que je sois monté sur scène il y a vingt ans aujourd'hui. Mais je pense qu'une fois cette rétrospective arrivée, ce sera la fin du groupe. Vraiment. Alors 1999 sera mieux pour moi. Psychologiquement. Ce sera plus comme la boucle du cercle. Et j'aurai quarante ans. Tout dégringolera au même moment!!!
En fait, il y a quelques mois, j'étais assez déterminé à ce que l'année prochaine soit celle de la rétrospective et puis que tout soit terminé. Je voulais vraiment abandonner. Mais j'ai changé d'avis depuis trois ou quatre mois. Je ne me sens pas aussi abattu qu'après la tournée américaine. J'étais vraiment malheureux après la tournée américaine. J'étais vraiment fatigué mais je me sens mieux maintenant qu'au début de la tournée européenne. Je me sens de meilleure humeur. Je ne me suis jamais senti aussi heureux à la fin d'une tournée. Il y a quelque chose qui ne va pas!!! Je vais tomber de scène ce soir et je vais me casser une jambe!!!

Je ne voudrais pas te voir sur scène vieux et incapable de chanter. 
C'est pour cette raison que je veux faire quelque chose de différent. Parce que je ne veux pas me retrouver en face de gens et faire ça. Je ne veux plus le faire. Je ne veux pas monter sur scène et faire "Just Like Heaven" à nouveau. C'est ce que je ne veux pas faire. Dans deux ans, je ne veux pas faire de tournée et refaire cela. Aller sur scène et faire quelque chose qui est vraiment différent. Faire des promos différentes et je ne serai pas le point central autant qu'aujourd'hui. Je ne sais pas. Il y a plein de choses que l'on peut faire et faire encore de la scène. Ça me manquerait. Je ne pense pas que je m'arrêterais complètement.

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