L’interview de Robert Smith pour Absolute Radio
Absolute Radio a partagé le 12 décembre 2025 une interview vidéo de Robert Smith datant de quelques mois. Il y évoque notamment la genèse et l'enregistrement du prochain album, comment Songs Of A Lost World l'a aidé à parler du deuil et son rapport au public, à la célébrité et au temps.
Retrouvez ci-dessous la vidéo sous-titrée en français et plus bas la retranscription des 4 infos les plus importantes !
Genèse du nouvel album
Après une rupture de line-up et une pause à la fin des années 2000, Smith explique que le groupe s’est peu à peu recentré sur la scène, en enchaînant les tournées et en explorant leur vaste répertoire plutôt que d’enregistrer. C’est vers 2019, après de nombreux festivals (dont Glastonbury) et en réalisant qu’aucun nouveau morceau n’était sorti depuis dix ans, qu’il décide d’entrer en studio pour un véritable nouvel album.
Il décrit un long processus de composition où il tente d’assembler plusieurs dizaines de morceaux, jusqu’à se concentrer sur ceux qui fonctionnent le mieux ensemble pour aboutir à Songs of a Lost World. De ce travail restent aussi un album « frère » presque terminé, moins sombre, et un troisième disque plus expérimental, issu de sessions nocturnes, dont les paroles ne sont pas encore achevées.
Enregistrement à Rockfield
L’album a été enregistré au studio Rockfield (Pays de Galles), entièrement privatisé pour le groupe pendant environ un mois, afin de recréer un environnement coupé du monde extérieur (sans actualités ni téléphones). Smith insiste sur l’importance de cet isolement, qu’il associe aux meilleurs albums du groupe, comme une manière d’oublier le réel et de se consacrer totalement à la musique.
Le studio a été décoré autour de l’année 1969, avec objets, journaux, magazines et jouets de l’époque, car le projet s’appelait d’abord Live from the Moon et tournait autour des premiers pas sur la Lune. Cette immersion visuelle et mentale dans 1969 a nourri certains textes, notamment des chansons évoquant le fait de regarder la Lune lors de l’alunissage.
Deuil, âge et portée émotionnelle
Smith explique que Songs of a Lost World est une œuvre très chargée émotionnellement, liée à sa difficulté à parler de la mort et du deuil dans la vie réelle. Écrire et chanter ces chansons est pour lui une manière de faire face à la disparition de proches, avec un sentiment à la fois intime et universel, particulièrement parlant pour sa génération.
Il souligne qu’avec l’âge, la mort cesse d’être romantisée comme elle peut l’être quand on est jeune, et devient une réalité brute lorsque des personnes proches disparaissent. Le succès critique et public inattendu de l’album, y compris un numéro un aux États‑Unis, le surprend et le touche, mais il insiste sur le fait qu’il ne veut continuer que s’il a le sentiment profond que ce qu’il fait a du sens.
Rapport au public, à la célébrité et au temps
Smith dit vivre "dans une bulle" (mais être assez lucide pour s'en rendre compte) et assez peu socialiser, ce qui fait que la confrontation directe à l’amour du public, notamment en tournée, est parfois choquante par l’intensité des émotions projetées sur lui. Il ne se voit pas chez lui comme « le chanteur de The Cure », et trouve difficile de gérer l’image que les gens ont de lui par rapport à ce qu’il ressent vraiment.
Il parle aussi du temps qui reste : à son âge, chaque projet représente un investissement lourd, et il choisit beaucoup plus soigneusement ce qu’il fait, en refusant de « gaspiller » son temps. Il admet avoir de nombreux projets inachevés et ressent le besoin de se réserver plusieurs mois pour les terminer, tout en sachant que ce laps de temps pèse autrement quand on vieillit.
Poésie, écriture et intégrité artistique
Alone s’est débloquée lorsqu’il a retrouvé dans ses carnets un poème d’Ernest Dowson, « Dregs », dont une image – porter un toast avec des « lies amères » – cristallisait le sentiment de désespoir qu’il voulait transmettre. Il explique avoir réinterprété certaines lignes plutôt que de les copier, car un poème ne se transpose pas tel quel en paroles de chanson : il faut que cela sonne vrai dans sa voix.
À la fin, Smith résume son "conseil" aux jeunes groupes : mieux vaut échouer selon ses propres termes que réussir selon ceux de quelqu’un d’autre. Toute sa carrière avec The Cure s’est construite sur cette idée de faire les choses pour de « bonnes raisons », non pour la célébrité ou l’argent, et de préserver la cohérence artistique et l’authenticité, même au prix de certaines opportunités commerciales.





