« The Cure », le docu-BD qui retrace la carrière de The Cure
Les éditions Petit à Petit ont sorti ce 15 octobre un nouveau livre sobrement nommé The Cure. Avec un format original : le docu-BD. Et voici ce que j'en pense...
Les fans le savent, ce ne sont pas les livres sur The Cure qui manquent. Et la plupart du temps, ils s'avèrent être de grande qualité. Citons notamment - pour les plus récents - Curepediade Simon Price (éditions White Rabbit) et The Cure de Paul (éditions du Layeur), qui proposent respectivement une encyclopédie et une analyse fouillée de la discographie du groupe.
Alors qu'une nouvelle biographie ou un énième recueil de photos peut parfois sembler redondant, les éditions Petit à Petit relèvent le défi avec un format audacieux : le docu-BD. Soit un format hybride, alternant bande dessinée et pages de textes illustrés. Et elles n'en sont pas à leur coup d'essai puisque de précédents ouvrages ont déjà abordé les parcours d'autres groupes/artistes : David Bowie, les Doors, Bashung, les Clash, U2, Amy Winehouse, etc.
Et dernière petite précision qui a son importance : le livre est en français...
Le sommaire de The Cure
L'approche graphique et visuelle
L'un des premiers éléments qui saute aux yeux est le parti pris de la pluralité des dessinateurs. C'est une signature des docu-BD de Petit à Petit. Si cette variété peut désarçonner le lecteur au premier abord, elle se veut au service de l'histoire de The Cure, en illustrant les multiples facettes et périodes du groupe. Par exemple, du noir et blanc réhaussé de rouge sang pour relater la période toute en tensions de Pornography, à des planches plus pop et colorées pour évoquer l'albums Kiss Me Kiss Me Kiss Me.
Chris Parry vient de tirer le gros lot...
Les auteurs ont réussi, la plupart du temps, à maintenir une cohérence dans la représentation de Robert Smith et des différents membres, tout en exploitant les ambiances spécifiques à chaque ère musicale. Les vignettes qui ont suscité le plus d'intérêt chez moi - et également le plus de questionnements quant à la méthode, j'y reviendrai plus tard - sont celles qui illustrent les moments d'intimité (processus créatif, tensions internes, questionnements de Robert Smith, etc.) qui, bien qu'ils soient connus, n'ont pas d'autres témoins que les personnes directement impliquées.
Quelques extraits du docu-BD (cliquez pour agrandir)
Pour ce qui est du récit, le livre retrace l'histoire du groupe chronologiquement, depuis Easy Cure jusqu'à la sortie de Songs Of A Lost World. Soit grosso modo la période 1976-2024. Le traitement de chaque période obéit toujours à la même logique : 6 pages de bande dessinée suivies de 2 pages de textes illustrés.
Des débuts à Crawley au succès international, en passant par le virage pop des 80's, le scénario - qu'on doit à Jérémy Wulc, déjà bien connu des fans - se concentre ainsi sur les moments clés et les tournants (créatifs, changements de line up, événements marquants) qui ont jalonné et façonné l'histoire de The Cure.
L'apport documentaire : plus que des notes de bas de page
C'est là que le terme Docu-BD trouve toute sa justification. Entre chaque période dessinée, des pages documentaires viennent consolider le récit, apportant quelques précieux compléments d'information, et permettant de mieux comprendre The Cure, son fonctionnement interne, les réactions de Robert Smith, etc.
Détail du texte illustré du chapitre 11 sur Disintegration
Pour être honnête, le fan averti n'apprendra pas grand chose de nouveau. Mais le contenu documentaire, même s'il ne révolutionne pas la connaissance du groupe, a le mérite d'être précis et concis. Outre l'analyse des albums - bénéficiant d'une fiche sur son contexte de création, ses influences et son impact culturel - le livre replace la musique de The Cure dans le paysage socio-politique de l'époque, une étape essentielle pour comprendre l'émergence des courants post punk puis new wave.
Le texte documentaire, toujours sous forme d'une double page, permet de solidifier les connaissances de manière ludique, évitant le trop-plein d'informations. L'iconographie associée, faite de photos d'archives et de reproductions de pochettes, est un complément appréciable.
En conclusion...
Le format est agréable à manipuler, rappelant certains comics. Je suis loin d'être un expert en bande dessinée (tant techniquement qu'en termes de connaissance) mais le papier est dans un grammage assez épais et de très bonne qualité. Un gage de durabilité, ce docu-BD devrait traverser les époques assez facilement...
Les 11 dessinateurs ont bien travaillé. Leur multiplicité aurait pu entraîner des ruptures de style trop marquées. Mais mon avis est qu'au final cela ne pose pas vraiment problème. Quelques fans ont critiqué les dessins, précisant que Robert Smith (et les autres membres) n'étaient pas toujours représentés avec la plus grande fidélité. Mais n'oublions pas qu'on parle d'art... (et soit on aime, soit on déteste, mais ça nous appartient de manière intime). Et qu'une bande dessinée n'est pas un dessin unique : comme dans un film, il faut penser rythme et enchaînement. Et de ce point de vue là, il me semble que ce docu-BD a atteint son but.
Robert Smith période Pornography Tour
On notera que quelques erreurs se sont glissées dans le récit. Par exemple le concert au Queen's Square de Crawley - filmé en 8 mm par le père de Robert Smith - s'est en fait déroulé le 3 juin 1977 * (et non le 3 juillet) et contrairement à ce qu'il est indiqué, la formation ne s'appelait pas encore The Cure mais Easy Cure. Elle comprenait alors - outre Robert Smith, Lol Tolhurst et Michael Dempsey - Porl Thompson à la guitare et Peter O'Toole au chant. De même, la démo de 4 titres envoyée aux maisons de disques au printemps 1977 a été enregistrée aux studios Chesnut * le 27 mai et non dans la cuisine des parents de Robert Smith. Si ces petites fautes peuvent faire tiquer les plus observateurs, je ne pense pas que cela soit un écueil majeur. Car ce docu-BD n'est pas à prendre comme une encyclopédie, mais comme une histoire illustrée, avec parfois quelques libertés prises par rapport à la réalité.
Et c'est également pour cette raison que l'auteur se prend à imaginer le déroulé de telle ou telle situation. Je vous le disais plus haut dans cette chronique, certains moments intimes de la vie du groupe ou vécus par Robert Smith sont dépeints dans les pages de ce docu-BD. Prenons cette scène où Robert Smith est sur la plage de Bognor Regis (selon toute logique) uniquement accompagné de Mary et marquant le coup à l'annonce du départ de Boris Williams et Porl Thompson après le Wish Tour. Ou cette case montrant Robert Smith dormant en enlaçant sa guitare Top 20 - qu'il adorait il est vrai - contre lui. Comment être sûr que ces événements se sont passés ainsi ? La réponse est : peu importe. Car si au début cela m'a dérangé, j’ai compris que la partie bande dessinée de ce docu-BD est romancé, avec ce que cela comporte comme liberté et imagination pour l'auteur. Les textes illustrés inter-chapitres ont ainsi une vocation complémentaire, davantage encyclopédique.
Alors... à qui s'adresse ce docu-BD The Cure ? À mon sens, il intéressera en priorité les curieux qui souhaiteraient mettre un pied dans l'histoire du groupe. Le format est ludique, l'alternance BD/Docu rend la lecture très dynamique et accessible, et parvient à capter les ambiances propres à chaque album. Ce qui en fait une introduction parfaite pour un néophyte (et qui permettra certainement de faire découvrir le groupe à la nouvelle génération). Les fans de longue date y trouveront plus un résumé illustré qu'un recueil d'anecdotes inédites. Mais ils auront entre les mains une nouvelle manière de découvrir le groupe. Car c'est à ma connaissance la première fois en France qu'une bande dessinée traite de la carrière de The Cure. Prenez mon exemple, qui est aussi celui de beaucoup d'autres fans : j'ai (presque) tous les ouvrages les plus importants sur le groupe. Mais pour autant j'ai pris un grand plaisir à lire ce The Cure, qui m'a raconté l’histoire de Robert Smith d'une manière différente à défaut d'être inédite. Et c'est déjà pas mal.
* Source : livre Ten Imaginary Years, page 8 et 11
THE CURE 21,90 € Éditions Petit à Petit Paru le 15 octobre 2025 Scénario et documentaire : Jérémy Wulc Dessinateurs·trices : Anne Royant, Anne-Perrine Couët, François Foyard, Gilles Pascal, Samuel Figuière, Chandre, Julien Hugonnard-Bert, Lionel Chouin, Lisa Chetteau, Loïc Godart, Margaux Chetteau Illustrations : Lucia Franco Disponible en librairie et sur le site de l'éditeur